Analyse d’un discours :
Beaucoup de bruits pour rien !
Annoncé avec fracas pour le 23 octobre 2020 en remplacement du conseil des ministres qui se tient chaque vendredi de la semaine, le message du chef de l’État a tenu en haleine tout le Congo pendant 72 heures. Jusqu’à 20h00, les proches de Félix Tshisekedi sont restés actifs dans les médias pour préparer l’opinion à un tsunami : dissolution de l’Assemblée nationale, démission du Premier ministre (donc du Gouvernement) et recomposition de la coalition au motif de mauvaise foi du partenaire Fcc. A l’heure H, le tsunami a duré 6 minutes, sans cependant la mise en veilleuse des activités de la chambre basse et de l’équipe gouvernementale. Principale nouvelle à retenir : démarrage, à partir de ce lundi 26 octobre, des consultations desquelles sortira « une union sacrée de la Nation » autour des objectifs que Fatshi s’est fixé.
Depuis, acteurs politiques et sociaux se bousculent via les médias devant les portillons du palais présidentiel pour s’attirer la sympathie des organisateurs.
Une bonne très bonne chose en soi pour la Nation, mais une belle expérience pour l’Udps, parti professionnalisé dans la contestation des initiatives lancées à leur époque par tous ses prédécesseurs pour des foras appelés négociations, concertations, conférences, dialogues. Alors opposant, ce parti soumettait sa participation à ses conditions.
Espérons de ceux qui ont poussé Fatshi dans cette voie qu’ils savent qu’à l’instar de la plus belle fille au monde, le président ne peut donner à ses interlocuteurs que ce qu’il a en potentiel de maroquins, maintenant que la liquidation en douceur de la coalition Cach-Fcc remet à chacun des partenaires à son point de départ.
Pour rappel, au 23 octobre 2020, des 500 députés détenteurs des mandats valides, le Cach en compte toujours 46 députés : 32 élus pour l’Udps et 14 pour l’Unc. Le Fcc s’affiche avec les 334 députés, tous absents de la cérémonie de prestation du serment des trois juges.
Au Gouvernement, en raison du deal passé par Félix Tshisekedi avec Joseph Kabila dans le cadre de la coalition, le Cach a 23 postes : 15 pour l’Udps et 8 pour l’Unc. Le Fcc 42.
Avoir les deux pieds sur terre a une signification : de droit du Fcc de récupérer les 15 postes ministériels détenus, ce d’autant plus que la cohabitation résultant de la dissolution de la coalition restituera à cette plateforme tous les postes ministériels et tous les postes dans les autres structures sous autorité du Gouvernement, même les ministères dits du domaine de collaboration : Défense, Sécurité et Affaires étrangères.
EN QUOI LA COALITION FCC-CACH EST RESPONSABLE ?
Dans son discours, le chef de l’Etat cite les tâches qui lui sont confiées par le peuple et recense les divergences surgies dans la coalition. Schématisés, elles portent sur la « Paix et la Sécurité » (intégrant la rétablissement de la paix là où elle est compromise et la consolider là où elle existe), l’« Etat de droit », les « Elections » (intégrant notamment la mise en place de la Ceni), l’« Indépendance de la justice », la « Territoriale », la « Diplomatie », le « Portefeuille de l’Etat », l’« Education des enfants », la « Couverture médicale pour la Santé », l’« Encadrement économique des Jeunes », le « Genre » et les « Infrastructures ».
L’unité de mesure de l’action gouvernementale étant le compte-rendu des conseils des ministres, l’Exécutif bicéphale prévu dans la Constitution avec un Président de la République dont les prérogatives sont circonscrites dans l’article 69 et un Gouvernement ayant pour chef le Premier ministre selon l’article 91, constatons ensemble que le chef de l’Etat ne s’est jamais plaint du fonctionnement de la coalition Cach-Fcc, à l’exception du cas du VPM Célestin Tunda wa Kasende.
Comme souligné dans l’article « Fatshi ne devrait pas engager le gouvernement », Fatshi instruit sur tout, décide de tout : Premier ministre, ministres – tous statuts confondus – « lui obéissent au doigt et à l’œil, qu’ils soient Fcc ou Cach ».
Pour s’en rendre compte, prenons seulement 4 exemples pour circonscrire la réalité.
1. La question sécuritaire à l’Est.
A chacun de ses séjours à l’Est, le président de la République fait des promesses : installation de l’état-major des Fardc, engagement à y mourir si c’est le prix à payer pour le retour de la paix, déploiement de plus de 20.000 nouveaux effectifs de l’armée, promesse d’un long séjour à Goma.
En quoi la coalition Fcc-Cach est-elle responsable des annonces du commandant suprême de l’armée ?
2. Les élections
Le pouvoir organisateur n’est ni le président de la République, ni le gouvernement, moins encore le parlement et les cours et tribunaux, mais la Céni. En remplacement de Corneille Nangaa arrivé fin mandat, les confessions religieuses, qui ont la charge non constitutionnelle ni légale de désigner le président de cette institution, se sont réunies pour pourvoir au poste vacant. Les églises ont rempli leur part de responsabilités en portant par vote leur choix sur Ronsard Malonda. Pour la première fois en 60 ans d’Indépendance, l’Église catholique a même fait son mea-culpa en reconnaissant qu’on devrait commencer par revisiter les lois. Que devrait faire le président de la République si ce n’est de commencer par prendre acte de la désignation de M. Ronsard Malonda, au demeurant présenté en homme ayant orchestré sa victoire électorale, victoire dont il a défendu la vérité des urnes devant la Cour constitutionnelle !
En quoi la coalition Fcc-Cach est-elle responsable des erreurs des Eglises ?
3. Etat de droit
Ce concept dont l’Udps s’attribue le monopole de la paternité pendant qu’il est prévu dans la Constitution et les lois de la République. On se souviendra du fait que les ordonnances de nominations à la Gécamines et à la Sncc en 2019 avaient fait l’objet de contestation puisque promulguées en violation de la loi fondamentale. Et voilà que la récidive se produit avec les ordonnances de nominations des juges à la Cour constitutionnelle. D’ailleurs, la loi sur la proclamation de l’état d’urgence sanitaire a failli ne pas être appliquée à cause des conseillers mûs par la vengeance et la revanche.
En quoi la coalition Fcc-Cach est-elle responsable des violations commises par le chef de l’Etat ?
4. Gratuité de l’Enseignement de base.
Toute la propagande entretenue autour de la question a consisté à nier le lancement de cette disposition constitutionnelle par le régime Kabila. Tant mieux. A l’époque, ce régime n’avait pas bénéficié du soutien matériel et financier des institutions internationales. Voilà qu’au moment où elles se manifestent, ces institutions semblent s’appliquer un agenda qui ne correspond pas à celui de Fatshi au risque d’hypothéquer tous les espoirs placés dans cette obligation constitutionnelle.
En quoi la coalition Fcc-Cach est-elle responsable des résultats mitigés enregistrés ?
4. Infrastructures
Allusion faite au Programme des 100 Jours. Lorsque ce programme a été conçu, la coalition Fcc-Cach n’était pas là. Lorsque les choix ont été portés sur des sauts-de-mouton ou des maisons préfabriquées en priorité, la coalition Fcc-Cach n’était pas là. Le procès dit Kamerhe a relevé la disponibilité des ministres Fcc avant le Gouvernement Sylvestre Ilunga Inlunkamba (Travaux publics, Budget et Finances) à en faciliter l’exécution en se pliant aux instructions provenant d’en haut. Vital Kamerhe a même parlé d’annotations (suivez mon regard) pour des sorties de fonds jusqu’à toucher aux réserves internationales de la Banque centrale et à ébranler le marché de change.
En quoi la coalition Fcc-Cach est-elle responsable des résultats catastrophiques ?
On peut, multiplier des exemples à l’infini avec pour même conclusion : toute responsabilité remonte au bureau du chef de l’Etat où l’ethnotribalisme a gangréné toutes les structures de décisions et d’actions au point de dédoubler le gouvernement central. Un dédoublement qui, du reste, creuse le budget de la République.
QUEL MAL FATSHI VOUS A FAIT EN SE CONFIANT A VOUS !
Alors qu’en vérité, c’est le Fcc qui subit les coups de massue de la part de son coalisé Cach et même les humiliations, les proches de « Fatshi béton » utilisent, eux, la vielle méthode qui leur réussissait dans l’opposition : la victimisation. C’est-à-dire : toujours la faute à l’autre.
Sur le Net circule depuis le dimanche 25 octobre 2020 un tweet attribué à Sonia Rolley (certainement une fake new) présentant Félix Tshisekedi en homme qui aura violé tous les accords signés en 2 ans : Genève, Nairobi, Joseph Kabila. Mauvais signe et signal pour les « pères-fondateurs » de l’union sacrée, appellation qui n’est pas sans rappeler les atomisations.
Aussi, c’est bien d’entendre le président de la République affirmer « Je ne laisserai aucun engagement politique, de quelque nature que ce soit primer sur mes prérogatives constitutionnelles et sur l’intérêt supérieur du peuple » et de réaffirmer « Je ne transigerai jamais avec les intérêts supérieurs de la Nation ». C’est également bien de l’entendre déclarer qu’après avoir consulté les leaders politiques et sociaux majeurs et recueilli « leurs opinions à l’effet de créer une union sacrée de la Nation autour des objectifs précités », il va viser « la refondation de l’action gouvernementale autour des principes de participation à la gestion du pays ». C’est tout aussi bien de l’entendre soutenir qu’à l’issue des concertations, il reviendra vers le souverain primaire pour lui faire part de ses « décisions qui n’excluront aucun cas de figure ».
Le seul cas de figure qui se présente à lui aujourd’hui avec la liquidation de la coalition est la cohabitation.
S’il s’avise à dissoudre l’Assemblée nationale pendant qu’il n’y a pas crise persistante avec le gouvernement, il aura pour une énième fois violé la Constitution. Déjà, aucun esprit lucide ne voit les députés Mlc et Ensemble hypothéquer leurs mandats sans garantie aucune de réélection du moment que l’Udps escompte former une majorité, et en plus pour des élections législatives anticipées susceptibles de ne jamais se tenir.
Ou alors, l’exploit incroyable et inimaginable serait de rendre le Fcc minoritaire en débauchant au minimum 85 députés de ses 334 détenteurs des mandats validés.
Tout compte fait, la question première est de demander à Kitenge Yezu et à André Mbata, peut-être aussi à Banyaku : quel mal Fatshi vous a fait en se confiant à vous ?
Samuti Mwenyelutchi, Analyste politique, @JeanSamuti

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