QUID DU PARAPHE AU TEXTE PRÉLIMINAIRE D’UN EVENTUEL ACCORD ENTRE LE RWANDA ET LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO, À WASHINGTON, AINSI QUE DES ÉTAPES À VENIR?

Les internautes congolais, surtout les plus jeunes, se bousculent sur les réseaux sociaux, ces derniers jours, pour commenter, certains avec euphorie, d’autres avec peur au ventre, les derniers développements du deal américain entre deux pays voisins de la région des Grands Lacs africains, le Rwanda et la République Démocratique du Congo. Voici ce que le commun des mortels peut, sommairement, en retenir, sans revenir en ces débuts.
En effet, les experts rwandais et congolais ont paragraphé, c’est-à-dire marqué par des traits caractéristiques, le mardi dernier 17 juin 2025, le projet d’Accord, entre le Rwanda et la République Démocratique du Congo, les Ministres des Affaires étrangères poseront, semble-t-il, le même geste le 27 juin prochain, avant l’organisation probable d’un sommet des Chefs d’États concernés, en présence de Trump, en juillet 2025, dit-on. Ce fait est certainement bien connu des tous. Mais alors, quelle sera la suite du processus après la signature de cet Accord, tant attendu, comportant 12 points ? Là encore la réponse est bien connue que ce sera son application. Mais c’est ici où l’expertise, en cette matière, commence d’être requise pour comprendre les enjeux de la suite.
Pour cela, je voudrais me limiter aux points le plus délicats des tous, qui conditionnent le retour de la paix à l’Est de la RDC. Il s’agit, selon moi des préoccupations ci-après :
1) La question de gestion des groupes armés non-etatiques :
- Les FDLR et CNRD, groupes armés rwandais, accusés de génocide des Tutsi en 1994 présents, depuis ce temps, en RDC et dont le Rwanda exige, il y a des décennies, leur neutralisation par le Gouvernement congolais,
- Les Wazalendo, ces civils armés par le Gouvernement congolais, à travers une Coordination d’appui appelée, “Réserve Armée pour la Défense de la République” (RAD), non militairement formés, se recrutant, le plus souvent, parmi les enfants et surtout des jeunes délaissés par la société, enfants de la rue, selon les propos de Mme Wagner KAYIKWAMBA, Ministre des Affaires étrangères de la RDC, dans l’une de ces interviews.
De ce qui précède, je parie que la partie congolaise aura fort à faire pour livrer les FDLR et les CNRD au Rwanda, cela constituerait, à coup sûr, un blocage dans l’application de l’Accord, qui aura été solennellement signé.
De même pour les groupes armés, baptisés Wazalendo (patriotes), pour le besoin de la cause, par le régime de Kinshasa. Cette mosaïque des combattants qui n’obéissent qu’à eux-mêmes malgré le soutien de Kinshasa, poseront des problèmes sérieux de gestion au Gouvernement de Kinshasa, qui n’a pu faire fonctionner le Programme de Désarmement, Démobilisation, Relèvement Communautaire et Stabilisation, P-DDRCS et la Réserve Armée pour la Défense de la République (RAD) malgré des fonds décaissés pour la mise en œuvre de ces structures de gestion des groupes armés. Par quel miracle et par qui, cette problématique sera-t-elle résolue?
- Enfin le plus dur morceau s’appelle l’Armée Révolutionnaire Congolaise (ARC), les combattants de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), dont Kinshasa voudrait voir quitter les zones qu’ils contrôlent et être cantonnés quelque part dans la forêt montagneuse en attendant que leur sort soit réglé par le bon vouloir du régime de Kinshasa, dont les FARDC, Armée régulière, n’ont gagné aucun combat, contre eux, depuis 4 ans de guerre.
Il s’agirait là d’une véritable utopie, connaissant très bien la cause profonde de la prise des armes par ces centaines des milliers de jeunes et vieux du Kivu montagneux et leurs alliés de toutes les provinces de la République Démocratique du Congo.
En effet, le projet d’Accord sous examen ne dit nulle part, sauf erreur de mon côté, comment les conflits identitaires du Kivu, seront définitivement résolus, pour qu’enfin les guerres cycliques s’arrêtent une fois pour toutes.
Aussi lorsque le projet d’Accord évoque une intégration conditionnelle des combattants, les facilitateurs ignorent-ils que le rejet des certains d’entr’eux pourrait constituer une pépinière pour un nouveau conflit armé à très court terme, étant donné son caractère existentiel devenu un droit naturel et inaliénable?
2) Le respect de la souveraineté de la RDC.
Ce sous-point implique la problématique de la présence présumée des troupes rwandaises aux côtés des éléments de l’ARC. À ce sujet, deux difficultés compliqueront l’application de cet Accord :
- À moins de n’avoir pas bien suivi l’actualité, je ne crois pas avoir entendu, un seul instant, le Rwanda affirmer disposer des troupes en RDC, ce qui est pour moi exact car je n’en ai, non plus, pas de preuves irréfutables. C’est très certain que cette évidence persistera, sauf imprévu.
- La seule prétendue preuve matérielle que brandirait le régime de Kinshasa, reste la langue parlée par certains combattants de ce Mouvement de libération. À ce sujet, beaucoup de congolais, même des intellectuels et politiciens, font comme si Rutshuru, Masisi, Nyiragongo, Goma, Kalehe montagneux, les hauts plateaux de Fizi, Itombwe et Uvira, ne feraient pas partie intégrante de la République Démocratique du Congo et que le Kinyrwanda ou ses variantes locales, n’était pas la langue maternelle, souvent la seule, parlée dans certaines de ces entités territoriales, surtout dans le sud du Nord-Kivu. En conséquence, que certains soldats de ce Mouvement parlent le Kinyrwanda ou sa variante, cela ne veut en rien signifier qu’ils sont rwandais, surtout que certains de ces combattants, les tous premiers dans cette lutte, sont originaires des entités susmentionnées.
En conclusion, en ne considérant que ces aspects sensibles du projet d’Accord, il est évident que ce document aura très peu de chance d’être appliqué, car s’écartant des réalités du terrain, le Kivu montagneux.
À titre d’exemple, comment peut-on envisager un retrait des combattants des leurs villages libérés où leurs parents étaient menacés et tués par les Wazalendo et leurs alliés FDLR et CNRD, leur demander de quitter, d’être désarmés et cantonnés, en laissant les leurs à la merci des leurs bourreaux, qu’ils avaient mis en déroute de plein droit?
La RDC est sûrement loin de la paix si il n’y a que ça et rien d’autre comme solution de sortie de crise.
Ceci ressemble à une armistice unilatérale et imposée, qui aura très peu de chance d’être appliquée pour des raisons susmentionnées.
Ainsi donc, devant cette précipitation à vouloir un Accord pour un Accord, il y a des fortes probabilités d’une reprise intensive des hostilités sur tous les fronts, en juger, également, les préparatifs du régime de Kinshasa, manifestés par des acquisitions du matériel lourd qui ne fait aucun doute sur l’intention de poursuivre la guerre. Cette intention de Kinshasa est visible sur le terrain au Kivu où les FARDC et leurs alliés burundais, FDLR et Wazalendo, attaquent quotidiennement, bien entendu sans succès, les positions de l’ARC dans les hauts plateaux de Fizi, Itombwe et Uvira ainsi que dans les Territoires de Kabare, Kalehe et Walungu.
Tout en n’étant pas partisan d’une solution militaire à cette crise, je n’arrive pas à m’imaginer l’applicabilité de cet Accord dont les clauses ne reflètent pas la réalité du terrain au Kivu, bastion du Mouvement de libération.
Les congolais devons arrêter avec l’euphorie et les illusions car cette saga est loin de nous donner les vraies réponses aux crises devenues chroniques chez-nous, en moins d’une réminiscence de dernière minute.
Ces avis ne me sont dictés que par l’expérience avérée des guerres du Kivu et leurs causes.

Par Muhivwa Ngwebo Godefroy, Expert en matière des conflits du Kivu et des Grands Lacs | Contacts : +243 998 911 088 | e-mail: mngwebo1@gmail.com
Publié par Benjamin Babunga Watuna @benbabunga sur https://x.com/benbabunga/status/1935990944312041902