Dossier Adf-Nalu : Les Inepties de Yoweri Museveni!
« Le président ougandais déclare que l’ancien dirigeant congolais a donné refuge aux rebelles islamistes “. C’est l’information livrée le 14 juillet dernier par le président ougandais, rapportée par Elias Biryabarema et publiée par l’agence britannique Reuters.
Selon le Président Yoweri Museveni, ces rebelles « extrayaient de l’or, vendaient du bois, récoltaient le cacao des gens, collectaient des impôts, extorquaient de l’argent aux gens, etc. Ils grandissaient modestement et avec de l’argent ».Pourquoi une telle accusation seulement en 2023, année hautement sensible en RDC en raison de l’enjeu électoral ? Et pourtant!
A l’instar de son prédécesseur Laurent-Désiré Kabila arrivé aux affaires en 1997, Joseph Kabila devenu Président de la République en 2001 s’est de tout temps opposé aux organisations insurrectionnelles ougandaises et rwandaises. C’est ainsi qu’il avait réussi à réduire à sa plus simple expression la LRA (Armée de Libération du Seigneur) de Joseph Kony et, appuyé par la force internationale onusienne, il est parvenu à neutraliser les groupes rebelles du Rwanda (ex-Far et Interahamwe), du Burundi (Fddl), et de l’Ouganda (Adf, Lra, Unrf II, Wnbf, Nalu). Cette pression militaire a d’ailleurs poussé Jamil Mukulu à s’enfuir et à être arreté en Tanzanie pour être extradé en Ouganda où il croupit en prison.
International Crisis Group dans un document intitulé “L’Est du Congo: la Rébellion perdue des ADF-NALU” datant de 2012 dit ceci: « Le 25 avril 2010, l’attaque du camp militaire de Niyaleke, près de Beni, par une coalition ADF et Maï-Maï relance les opérations contre les ADF dans les territoires de Beni et Lubero. Le 25 juin, les FARDC déclenchent l’opération Ruwenzori. Présentée comme une action unilatérale, elle est préparée par les FARDC en collaboration avec la Monusco. Cette offensive permet aux troupes congolaises de prendre plusieurs camps des ADF ainsi que de couper plusieurs de leurs lignes logistiques ».
Bien plus, Joseph Kabila sera le premier Chef d’Etat de la sous-région à dénoncer l’allégeance des Adf-Nalu au Daesh et à qualifier de terroriste ce groupe armé.
POURQUOI A-T-IL ATTENDU 4 ANS ET DEMI
A l’évidence, c’est sous Joseph Kabila que les Adf-Nalu ont le plus perdu de terrain en République Démocratique du Congo. C’est encore sous Joseph Kabila que les Adf-Nalu ont de moins en moins résisté aux attaques des forces régulières autant en Ouganda qu’en RDC. Bref, après avoir fait neutraliser la LRA, Joseph Kabila était en train d’en finir avec le principal mouvement insurrectionnel ougandais lorsque l’alternance politique issue des élections est survenue. Au nom du principe sacré de continuité de l’Etat, il revenait à son successeur – peu importe son nom – de poursuivre l’action.
Ayant fondé son leadership sur la guerre-prétexte (insécurité entretenue en RDC), Yoweri Museveni aura du mal à expliquer à l’opinion comment et pourquoi a-t-il attendu 4 ans et demi pour accuser Joseph Kabila d’entretenir les Adf-Nalu, si son intention d’aider les Congolais à recouvrer la paix est sincère.
En réalité tout comme en vérité, c’est pour la consommation politique interne dans son pays qu’il le fait.
En effet, remontant à la nuit du 16 au 17 juin 2023, la dernière attaque des Adf-Nalu en territoire ougandais avec massacre des 41 étudiants d’un lycée situé dans le district de Kasese, près de la frontière de l’Ouganda avec la RDC, est une épreuve dure pour sa personne et pour son régime.
Pour les médias, « Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière en Ouganda depuis le double attentat à Kampala en 2010 qui avait fait 76 morts lors d’un raid revendiqué par le groupe islamiste shebab basé en Somalie ». Les médias signalent également que « L’Ouganda et la RD Congo ont lancé une offensive conjointe en 2021 pour chasser les ADF de leurs bastions congolais, mais ces opérations n’ont jusqu’à présent pas permis de mettre fin aux attaques du groupe ». Il ressort, en plus, que « Les Etats-Unis ont annoncé début mars offrir une récompense pouvant aller jusqu’à 5 millions de dollars pour toute information susceptible de mener à leur chef, un Ougandais d’une quarantaine d’années nommé Musa Baluku ».
EFFET BOOMERANG GARANTI
Au moment où les Congolais sont à la recherche des réponses à la question sécuritaire à l’Est à la suite de l’état de siège sur lequel se greffent maintenant le déploiement des troupes de l’Eac – dont celles de l’Ouganda à Bunagana et incessamment celui de la Sadc – Yoweri Museveni a fait un choix surprenant : s’innocenter et désigner Joseph Kabila comme bouc-émissaire qui serve de coupable.
Certes, la prochaine présidentielle en Ouganda intervient dans trois ans. Mais, il s’agit d’une échéance qui s’annonce très mal en ce que Yoweri Museveni n’est pas que contesté par son opposition et même par sa famille politique. Il l’est surtout dans sa propre famille biologique au travers d’un « parricide » annoncé.
De tout temps, la donne sécuritaire est essentielle dans son leadership, plus que la donne économique et socio-culturelle.
Même si la suite se devine, ce qui ne peut nullement se comprendre, c’est ce pavé qu’il a cru jeter dans la mare, et dont l’effet boomerang lui revient en lui enlevant tout prétexte. Car, Kinshasa peut aussi lui demander de négocier avec les Adf dès lors qu’il s’inscrit dans la logique des négociations avec le M23 !
Prof Barnabé Kikaya Bin Karubi is a Research Associate at the Centre for African Diplomacy and Leadership at the University of Johannesburg
Barnabé KIKAYA Bin Karubi
Ancien Ministre, Ancien Ambassadeur, Ancien Député, Professeur à l’Université de KINSHASA, Faculté des Lettres, Département des Sciences de l’Information et de la Communication, Kinshasa, R.D. Congo.
www.kikayabinkarubi.net | Twitter: @kikayabinkarubi