De façon consciente
La Ceni hypothèque elle-même son calendrier électoral !
L’équipe Denis Kadima convoque le corps électoral 112 jours avant la présidentielle au lieu de 90 jours prévus à l’article 73 de la Constitution !
Un calendrier ne se limite pas à un chronogramme avec actions à entreprendre, responsables à désigner et échéances à fixer. En font aussi et surtout partie intégrante les préalables, entendez les conditions de sa réalisation. Dans celui publié le 26 novembre 2022 par la Ceni, ces préalables portent respectivement sur les questions sécuritaire, logistique, financière, légale et sanitaire…
Pour plus de détails, voici les préalables que la Ceni présente comme « CONTRAINTES » et désigne comme « INSTITUTIONS RESPONSABLES » :
1. CONTRAINTE SECURITAIRE :
* Insécurité dans l’Est du pays
* Conflits intercommunautaires à travers le pays
INSTITUTION RESPONSABLE : GOUVERNEMENT
2. CONTRAINTE LOGISTIQUE :
* Impératif de temps avec obligation d’utiliser le transport aérien pour acheminer le matériel des pays de production aux hubs de réception et aux sites des opérations en RDCongo, avec une incidence budgétaire importante.
* Inexistence de certaines infrastructures de transport de base (routières, ferroviaires, fluviales et aériennes)
INSTITUTION RESPONSABLE : GOUVERNEMENT
3. CONTRAINTE FINANCIERE :
* Retard dans le décaissement des fonds des opérations
* Nécessité de garantir l’autonomie financière de la CENI (Art.6 Loi organique)
INSTITUTION RESPONSABLE : GOUVERNEMENT
4. CONTRAINTE LEGALE :
* Adoption à temps de la loi portant répartition des sièges
* Promulgation à temps de la loi portant répartition des sièges.
INSTITUTIONS RESPONSABLES : PARLEMENT ET PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
5. CONTRAINTE SANITAIRE :
* Pandémie du Covid-19
* Autres épidémies (Ebola).
INSTITUTION RESPONSABLE : GOUVERNEMENT
A la lumière de ce qui précède, la Ceni met le Président de la République, le Parlement (Assemblée nationale et Sénat) et le Gouvernement chacun devant ses responsabilités.
NI FONDS POUR LES OPERATIONS ELECTORALES NI AUTONOMIE FINANCIERES
Parmi les premières observations devant retenir l’attention de tout analyste, il y a la date de publication du calendrier : 26 novembre 2022. Cela signifie que la Centrale électorale révèle un retard dans le décaissement des fonds des opérations et un autre retard dans la nécessité de lui garantir son autonomie financière.
En d’autres mots, jusqu’à cette date, les contraintes exposées et les institutions citées sont en l’état.
Concernant par exemple son financement, la Céni reconnaît n’avoir pas encore reçu du Gouvernement les fonds pour les opérations électorales ni assuré son autonomie financière. A une année des élections, c’est une information importante.
La synthèse comprend des opérations ci-après :
I. Constitution du fichier électoral ;
II. Opération de réception et traitement de candidats aux scrutins directs ;
III. Organisation des scrutins (Président de la République, députés nationaux, députés provinciaux et conseillers municipaux) ;
IV. Organisation des scrutins indirects (Sénateurs et Conseillers urbains, Gouverneurs et Vice-gouverneurs, Maires et Maires adjoints, Bourgmestres et Bourgmestres adjoints) avec IV.1. pour « Élection des sénateurs et des Gouverneurs et Vice-Gouverneurs de province » et avec IV.2. pour « Élection des Conseillers urbains, des Bourgmestres et des Bourgmestre adjoints ainsi que de Maires de ville » ;
V. Organisation du scrutin direct des conseillers de secteur et de chefferie ;
VI. Organisation du scrutin indirect des chefs de secteur et chefs de secteur adjoint et
VII. Organisation des activités de pérennisation du processus électoral.
ABSENCE DES COURS ET TRIBUNAUX AUX ETAPES ELECTORALES DECISIVES
C’est dans « OPERATION III » que se situe l’intérêt de la synthèse en ce qu’elle vise la présidentielle, les législatives, les provinciales et les urbaines. Ce point est détaillé en 4 points numérotés 12-13-14-15. En effet :
– au point 12, on peut lire : « 19 novembre 2023-décembre 2023. 30 jours. Campagne électorale pour les candidats Présidents de la République, députés nationaux, députés provinciaux » ;
– au point 13, « 4 décembre 2023-18 décembre 2023. 15 jours. Campagne électorale pour les candidats conseillers communaux et locaux » ;
– au point 14, « 20 décembre 2023-20 décembre 2023. 1 jour. Organisation des scrutins directs du Président de la République, des députés nationaux, des députés provinciaux et des conseillers communaux » et
– au point 15, on peut lire : « 20 janvier 2024-20 janvier 2024. 1 jour. Prestation de serment du Président de la République ».
Bien que le calendrier soit une synthèse, la première observation à faire est l’absence des Cours et Tribunaux dans les étapes planifiées alors que dans les Contraintes sont citées les Institutions « Président de la République », « Parlement » (Assemblée nationale et le Sénat) et « Gouvernement ».
Nulle part allusion n’y est faite.
D’ailleurs, en se référant à « OPERATION II » relative à la réception et au traitement des candidatures aux scrutins directs, les cinq points prévus portent respectivement sur :
– la convocation de l’électorat pour la députation nationale,
– l’ouverture des BRTC à la députation nationale (dépôt et traitement des dossiers des candidatures) ;
– la convocation de l’électorat pour les députés provinciaux et des conseillers communaux,
– l’ouverture des BRTC pour l’élection des députés provinciaux et des conseillers communaux (dépôt et traitement des dossiers des candidatures) et
– la convocation de l’électorat pour l’élection présidentielle, encore que le délai constitutionnel des 90 jours francs prévus pour cette opération avant la date du 23 décembre 2023 n’est pas respecté.
Ainsi, l’absence des instances judiciaires est remarquable aux étapes décisives de validation des candidatures et de proclamation des résultats définitifs (avec ou non contentieux électoraux), mais aussi à l’étape solennelle de l’investiture pour le Président de la République élu.
LES SANCTIONS AMERICAINES ET EUROPEENNES EN 2016
Mais, avant d’en arriver-là, il y a, comme relevé ci-dessus, l’étape ultrasensible de la convocation du corps électoral.
A son article 73, la Constitution dispose que «Le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la Commission électorale nationale indépendance, quatre-vingt dix jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice ».
En fixant la date de l’élection au 20 décembre 2023, la Céni aurait dû prévoir la convocation du corps électoral le 22 septembre 2023.
Or, la Céni l’a fait au 1er septembre, allongeant de ce fait le délai, pourtant constitutionnel, de 90 à plus de 110 jours !
On se souviendra qu’en septembre 2016, l’opposition d’alors avait suscité de violents troubles particulièrement à Kinshasa en réclamant de la Céni la convocation du corps électoral dans les 90 jours pendant qu’il était connu de tout le monde que les opérations d’enrôlement et d’identification d’électeurs venaient de commencer par Gbadolite le 31 juillet et qu’il était techniquement impossible de le faire.
La conséquence de ces troubles furent les sanctions prises par l’Union européenne et les Etats-Unis à l’encontre des proches de Joseph Kabila.
Si la constante consiste à voir l’ex-opposition donner sa caution à un calendrier qui viole délibérément les délais constitutionnels, alors les sanctions n’ont plus de raison d’être maintenues et les élections de 2023 ont peu de chance d’être tenues à échéances dues.
Les hypothèques soulevées par la Céni sur son propre calendrier éliminent de ce fait tout doute raisonnable quant à la perspective d’un scrutin apaisé.
C’est aussi le résultat du manque de consensus autour des préparatifs.
Barnabé KIKAYA Bin Karubi
Ancien Ministre, Ancien Ambassadeur, Ancien Député, Professeur à l’Université de KINSHASA, Faculté des Lettres, Département des Sciences de l’Information et de la Communication, Kinshasa, R.D. Congo.
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