RDC : Tshisekedi peut-il sauver la tête du ministre Augustin Kibassa ?
Fragilisé par le débat autour de la taxe sur le Registre des appareils mobiles (RAM), le ministre des Télécommunications est visé par une motion de défiance des députés. Et la réunion de crise qui s’est tenue ce lundi a tourné court…
Rendez-vous était donné à l’hôtel Fleuve Congo. Lundi 11 octobre, les députés de l’Union sacrée, la coalition qui s’est constituée autour de Félix Tshisekedi, étaient convoqués pour une réunion censée permettre de déminer la crise autour de la taxe sur le Registre des appareils mobiles (RAM). Mise en place il y a un an, cette base de données collectant les numéros d’identification internationale de chaque appareil doit permettre de limiter le développement du marché des mobiles contrefaits. Pour la financer, une taxe a été instaurée sur chaque achat d’unité.
Jugée « très élevée » voire « incompréhensible » par plusieurs députés qui n’hésitent pas à parler « d’escroquerie », celle-ci fait l’objet d’une importante crispation au sein de la majorité. Lors d’une plénière à l’Assemblée nationale, le 29 septembre, des élus de l’Union sacrée et de l’opposition ont réclamé sa suppression ainsi que la démission du ministre des Postes, des Télécommunications et des Nouvelles technologies de l’information et de la communication, Augustin Kibassa Maliba.À LIRERDC : Augustin Kibassa, un ministre enlisé dans la taxe RAM
Selon ce dernier, la taxe a déjà permis de mobiliser plus de 25 millions de dollars. Mais l’Observatoire de la dépense publique évalue plutôt à 260 millions de dollars les bénéfices générés, laissant entendre que les chiffres avancés par le gouvernement sont volontairement sous-évalués.
Augustin Kibassa devait se défendre devant une nouvelle plénière, le 1er octobre, mais il ne s’est pas présenté au Palais du peuple. Depuis ce mardi 12 octobre, il est officiellement visé par une motion de défiance déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale par le député Jean Marie Bulambo Kilosho, membre du Front Commun pour le Congo.
“Nous ne devons pas laisser le ministre couler »
Le 11 octobre, comme il le fait souvent dans les situations délicates, le président Félix Tshisekedi avait mandaté un groupe de « stratèges » pour désamorcer la crise : le Premier ministre, Sama Lukonde, le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, et le premier vice-président de la chambre basse, Jean Marc Kabund, également patron du parti présidentiel. Mais la rencontre du triumvirat s’est déroulée dans un climat tendu.À LIRERDC : Christophe Mboso, le dévoué de Tshisekedi à l’Assemblée
Premier à prendre la parole, Christophe Mboso a tenté de remobiliser les troupes : « Cette réunion a été convoquée pour que la majorité arrive à parler d’une seule voix sur ce dossier. […] Nous ne devons pas laisser le ministre couler ». Sama Lukonde a pris le relais pour alerter les députés sur les risques d’une fronde au sein de la majorité. « La question ici est de savoir comment sortir la tête haute de cette crise », a-t-il ajouté.
Augustin Kibassa est ensuite venu s’excuser auprès des députés dont il avait dénoncé les attaques lors de la plénière du 29 septembre. Il a aussi promis que la situation serait discutée en Conseil des ministres.
Kabund sifflé
L’ambiance, relativement paisible jusque-là, s’est gâté après l’intervention de Jean-Marc Kabund. Les députés ayant refusé que le directeur général de l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications du Congo (ARPTC), Christian Katende, prenne la parole, le patron du parti de Tshisekedi a haussé le ton. « Je vais parler ici non pas comme un technicien mais comme un politique d’une majorité au pouvoir : je pense que cette question suscite des passions, mais que nous devons nous regarder droit dans les yeux, a-t-il lancé. Je voudrais rafraîchir la mémoire de nos collègues : nous avons critiqué le ministre mais personne n’a pris en compte le fait que ce n’est pas lui qui a instauré la taxe. C’est l’ARPTC, qui dépend directement de la présidence. »
FACE AU BLOCAGE, KABUND S’EST RÉSOLU À DIRE QU’IL FALLAIT TROUVER UNE SORTIE « HONORABLE » POUR LE MINISTRE
« Ce dossier a été discuté, examiné et décidé au niveau de la présidence parce que l’ARPTC ne dépend pas du ministre », a insisté Kabund, sous les sifflets de ses collègues de la majorité.
Face au blocage, Kabund, qui fait figure de stratège de l’ombre de Tshisekedi, s’est résolu à dire qu’il fallait trouver une sortie « honorable » pour le ministre. « J’ai comme l’impression que nous allons sortir de cette salle sans compromis. […] Vous défendez le peuple, oui, mais nous faisons aussi la politique », a-t-il conclu devant un parterre de députés passablement agacés.
Sauf changement de programme, une nouvelle plénière se tiendra ce mercredi 13 octobre à l’Assemblée. Si cette réunion de crise n’a pas permis de trouver une issue à ce dossier qui menace directement Augustin Kibassa, Christophe Mboso a tout de même annoncé que le bureau de la chambre basse allait travailler à la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. Pas sûr que celle-ci permettre d’apaiser la tension entre le ministre et les députés qui réclament toujours à la « suspension totale » de la taxe.
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