Affaires Minembwe : Félix Tshisekedi doit s’affranchir de la dictature de la clameur publique

Entre fuite des responsabilités et abandon des responsabilités, on a du mal à situer la posture du chef de l’Etat par rapport à un certain nombre d’affaires d’Etat. Les deux cas d’actualité emblématique est l’affaire de l’installation des bourgmestres et bourgmestres adjoint de la nouvelle commune rurale de Minembwe.
Le chef de l’Etat a annoncé, à partir de Goma, sa décision d’annuler tout ce qui a été fait à Minembwe au motif qu’il n’avait pas été mis au courant. « C’est une situation explosive. J’ai décidé purement et simplement d’annuler tout ce qui a été fait à Minembwe. C’est arrivé quand j’étais absent du pays et je n’ai pas été mis au courant », a-t-il déclaré devant la presse.
Sans entrer dans le fond du dossier, le Président de la République n’a pas bien clarifié sa décision, du moins tel que le présente son énoncé. On se demande donc ce que Félix Tshisekedi va annuler lorsqu’il parle de « tout ce qui a été fait à Minembwe » en son absence et qui n’a pas été porté à sa connaissance. S’agit-il de la cérémonie grandiose d’installation d’un bourgmestre d’une commune, Minembwe soit-elle ? Dans ce cas, comment un chef de l’Etat peut-il justifier n’avoir pas été au courant d’un événement qui a vu se déplacer des diplomates, dont l’ambassadeur du pays le plus puissant du monde, des membres du Gouvernement central ainsi que des très hautes autorités militaires ?
Minembwe : Félix Tshisekedi ne pouvait ne pas ignorer !
Un événement d’autant plus grandiose et qui ne pouvait passer inaperçu de personne, surtout pas d’un Président de la République. Ceci d’autant plus qu’il se déroulait au Sud-Kivu voisin du Nord-Kivu où se trouvaient déjà des équipes d’avance du chef de l’Etat qui était attendu à Goma après un premier rendez-vous manqué. Ajouter à cela le mini-sommet qui y était attendu, tous les phares de l’actualité tant nationale qu’internationale étaient braqués sur cette zone du pays. Et sans oublier que cette cérémonie s’est déroulée dans le cadre du passage, à Minembwe, d’une caravane de la paix qui sillonnait les zones en conflits et en insécurité. Une caravane lancée quand le chef de l’Etat était encore présent à Kinshasa.
Autant d’éléments donc qui indiquent clairement que la motivation du chef de l’Etat ne se situe pas dans la non-information qu’il a alléguée pour justifier sa décision. On comprend donc que Félix Tshisekedi a plutôt cédé à la clameur publique sur une situation que lui-même a qualifiée d’«explosive ». Mais cette posture résonne dangereusement comme une sorte de désolidarisation d’une démarche gouvernementale comme on en a déjà compté d’autres auparavant. Ou bien, à revers, une façon, pour lui, de se tirer d’une affaire délicate en rejetant la responsabilité à l’Exécutif national dont il fait pourtant partie.
Dans tous les cas, il est difficile, pour le chef de l’Etat, de se dédouaner de cette affaire, même au nom de la continuité de l’Etat pour laquelle il est appelé à assumer même le passé de cet Etat. Quitte à porter des ajustements éventuels suivant les procédures tout aussi étatiques. Mais en tout cas, pas dans une déclaration médiatique comme avec feu son père, alors Premier ministre, qui démonétisa un billet de banque par voie de presse.
C’est le 13 juin 2013 qu’avait été signé le décret du Premier ministre conférant le statut de villes et de communes, à un certain nombre d’entités territoriales décentralisées à travers l’ensemble du territoire nationale, 506 communes urbaines et rurales et 77 villes, en remplacement des anciennes cités et anciens postes d’encadrement administratif supprimés. Et Minembwe en faisait partie. Depuis lors, c’est-à-dire depuis à présent sept bonnes années, l’élévation de cette contrée en commune n’a jamais cessé d’alimenter l’actualité et même d’entretenir la tension au Sud-Kivu. Des réalités qui se sont exacerbées avec la nomination, manifestement sélective, pour cette commune de Minembwe, d’un bourgmestre de tribu munyamulenge et d’un bourgmestre adjoint de tribu bembe.
C’est, en effet, le 20 novembre 2018 que le Ministre de l’Intérieur d’alors avait signé l’arrêté nommant ces deux personnes à titre intérimaire. Et depuis lors, ils administraient déjà leur entité jusqu’à cette cérémonie officielle récente de présentation au public, par le gouverneur de province, de ces deux autorités territoriales à l’occasion de l’arrivée à Minembwe de la caravane de la paix qui comprenait entre autres le ministre d’Etat à la décentralisation, Azarias Ruberwa, le ministre de la Défense, Ngoy Mukena, le chef d’état major des Fardc, le général Célestin Mbala, quelques députés nationaux et l’ambassadeur Us, Mike Hammer ; une cérémonie leur installation qui soulève autant de vagues. Autant de détails qui pullulent dans les médias et qui ne peuvent passer inaperçus de personne.
Les relations de Félix Tshisekedi avec la clameur publique
On est alors amené à conclure qu’une fois de plus, le chef de l’Etat, au lieu de s’assumer, a choisi de fuir ses responsabilités face à la clameur publique dans une affaire « explosive ». Et cela ne sera pas la première fois, car, déjà à Genève, alors qu’il n’était pas encore aux affaires, Félix Tshisekedi avait cédé à la pression des militants de son parti jusqu’à retirer sa signature de l’accord qui désignait Martin Fayulu comme candidat de leur plate-forme Lamuka. La veille pourtant, Fatshi insistait sur le bien-fondé de ce choix et promettait de convaincre ses troupes à son retour à Kinshasa.
Plus proche de nous, c’est aussi suite à la clameur publique que le Président de la République avait ordonné des enquêtes sur la gestion de son programme de 100 jours. Une enquête aux résultats, à ce jour, mitigés au regard du ballet des personnalités au parquet de Kinshasa/Matete. Une enquête qui, au final, laisse des relents politiques et qui ne cesse de faire dire qu’il s’agissait, pour Fatshi en fait, d’éliminer un potentiel concurrent en 2023 au nom d’un autre accord, celui de Naïrobi.
L’autre rebuffade de Félix Tshisekedi c’est l’affaire de corruption alléguée lors des élections des Sénateurs. On se souvient qu’à la suite, notamment, des plaintes de certains candidats, le chef de l’Etat avait ordonné la suspension du processus et demandé une enquête de la Cour de cassation. C’est lui qui, après le rapport du Procureur Général, demandera que justice soit faite. A ce jour, on attend toujours la suite, mais on sait que dans le rapport préliminaire de l’enquête, nombre de députés provinciaux de l’Udps et des partis alliés étaient impliqués jusqu’au cou dans le truandage des candidats Sénateurs dont l’un des proches conseillers du président de la République, VidiyeTshimanga, à Kinshasa.
Ce n’est pas tout. Même dans l’affaire de 15 millions Usd du secteur pétrolier, c’est encore la clameur publique, à travers les médias, qui fera réagir le chef de l’Etat qui demandera de nouveau une enquête judiciaire avant que lui-même ne parle de rétro-commission (« coop »), comme pour banaliser l’affaire. A ce jour, le dossier est demeuré sans suite à cause aussi de la forte implication de nombre de ses collaborateurs.
On voit donc combien le chef de l’Etat, soit décline ses responsabilités face à certaines situations délicates, soit s’en accommode lorsqu’il s’agit d’en tirer quelques gains politiques. En sorte que tout en étant sous l’emprise de la dictature de la clameur publique, Félix Tshisekedi y trouve une belle couverture pour ses actions politiques, surtout face à des adversaires, avérés ou supposés. Et l’affaire Minembwe en est symptomatique.
Albert Osongo sur http://nouvellerepublique-rdc.net/?p=840
Là, je partage cette analyse tout en soulignant que tout a été fait en faveur de FCC et aujourd’hui il se trouve que Fatshi n”est pas l’homme attendu d’où ses analyses négatives. La sentence sera la même en 23 contre le conglomérat FCC-CACH