RDC : En libérant Jean-Jacques Wondo, Kinshasa tente d’éteindre (un peu) l’incendie avec Bruxelles

La condamnation à mort du Belge avait été confirmée en appel le 27 janvier.
« Jean-Jacques va être libéré”. Ce mardi, sur le coup de 13h30, une source proche des milieux judiciaires congolais annonçait, par téléphone, la bonne nouvelle pour l’expert militaire belge détenu depuis la fin du mois de mai dans la prison des services du renseignement militaire de Ndolo, à Kinshasa. Son épouse Nathalie venait d’arriver à la prison. Elle a alors découvert le directeur des lieux en train d’accompagner son mari vers l’ambassade de Belgique.
Huit jours après la confirmation en appel de sa condamnation à la peine de mort, la nouvelle peut surprendre.
Tout au long du procès en première instance, son avocat, Maître Carlos Ngwapitshi, n’avait cessé de marteler que toute la procédure contre son client était politique. Un argument qu’il a resservi en appel, parvenant même à démonter pièce par pièce les arguments de l’accusation qui se basait essentiellement sur les déclarations d’un homme présenté comme l’intermédiaire entre Jean-Jacques Wondo et le général Christian Malanga, le meneur d’une étrange tentative de coup d’État ciblant, en pleine nuit, la résidence du président de l’Assemblée nationale congolaise, Vital Kamerhe, et, ensuite, le palais de la Nation, ancien siège du gouverneur de la colonie, transformé en palais présidentiel largement délaissé par Félix Tshisekedi et sans réel intérêt stratégique.
En septembre dernier, l’ancien Premier ministre belge, le libéral flamand Alexandre de Croo, avait été clair avec le président congolais. En marge de l’Assemblée générale des Nations unies, le chef du gouvernement avait prévenu que si aucune preuve n’inculpait notre compatriote à l’issue d’un procès en deuxième instance, la justice congolaise devrait alors l’acquitter. Quatre mois plus tard, malgré le vide intersidéral du dossier, Wondo avait vu sa condamnation à mort confirmée.
Une sentence qui a poussé l’éphémère ministre des Affaires étrangères Bernard Quintin à condamner cette décision et à rappeler l’ambassadeur belge à Kinshasa, ouvrant une nouvelle crise politique entre les deux pays alors que, quelques heures plus tôt, dans le Nord-Kivu, les forces antigouvernementales de l’AFC/M23 venaient de prendre le contrôle de la ville de Goma.
Le lendemain, mardi 28 janvier, des manifestants en colère, téléguidés par le pouvoir congolais, attaquaient certaines ambassades à Kinshasa. L’ambassade belge n’était pas épargnée. Nouvelle escalade dans les tensions entre nos deux pays et nouveau geste bravache du pouvoir congolais en direction de Bruxelles qui, excédé, annonçait couper les ponts avec le régime Tshisekedi. “Félix Tshisekedi a franchi toutes les lignes rouges”, dira un diplomate.
Pouvoir sous haute pression
Une semaine jour pour jour après cet embrasement, la libération surprise de Jean-Jacques Wondo ne peut apparaître que comme une tentative d’apaisement en direction de Bruxelles alors que la situation sécuritaire continue de se détériorer dans l’est de la RDC et qu’un malaise de plus en plus profond s’installe au cœur même du pouvoir de Kinshasa. Félix Tshisekedi doit faire face à une grogne des militaires qui pointent sa responsabilité et celle de ses principaux conseillers dans le fiasco de Goma et, plus généralement, dans le Nord-Kivu. Des militaires qui ont aussi exprimé leur colère lors d’une réunion de sécurité avec le chef de l’État qui voulait annoncer, le 27 janvier, l’instauration de l’État de guerre en RDC. Les généraux ont demandé au président de revoir sa copie en lui expliquant que l’armée n’était pas capable d’assumer ce statut. Le discours présidentiel, pourtant annoncé quelques heures plus tôt par le président de l’Assemblée nationale, a donc été postposé au lendemain avant d’être une nouvelle fois annulé.
Félix Tshisekedi s’est finalement adressé à ses concitoyens en fin de semaine, sans la moindre allusion à ce passage à l’état de guerre. Malgré cette reculade, la tension avec les militaires est palpable et les craintes d’un coup de mauvaise humeur de l’armée restent entêtantes à Kinshasa où les ambassades ne cessent d’appeler leurs ressortissants à quitter le pays sans tarder, tant que les vols commerciaux desservent encre la capitale congolaise. Les dissensions entre les responsables militaires présents à Kinshasa constituent actuellement la meilleure assurance du régime.
Le Beach, point de départ pour Brazzaville, la capitale de l’autre Congo, de l’autre côté du fleuve du même nom, est pris d’assaut par de nombreux Congolais qui cherchent à fuir les tensions de Kinshasa, tandis que plusieurs responsables gouvernementaux ont accéléré le rythme de départ des membres de leur famille vers d’autres cieux.
Par Hubert Leclercq dans https://afrique.lalibre.be/79432/rdc-en-liberant-jean-jacques-wondo-kinshasa-tente-deteindre-un-peu-lincendie-avec-bruxelles/