Pourquoi Félix Tshisekedi a contrarié la Banque mondiale

À la grande surprise des institutions multilatérales présentes dans le pays, le Fonds social de la RDC a été dissout par ordonnance présidentielle. Cette nouvelle justifiée par les équipes de Tshisekedi par une volonté de « canaliser l’action institutionnelle en vue d’une meilleure efficience » a surpris la Banque mondiale, qui s’est empressée de réagir.
C’est une décision qui n’a pu que déplaire à l’institution washingtonienne. La Banque mondiale (BM) a en effet appris dans la presse congolaise que le Fonds social de la RDC (FSRDC) avait été dissout et mis en liquidation par Félix Tshisekedi. L’entité, créée par décret en 2002, est financée par des partenaires internationaux, dont la Banque mondiale, dans le but de mettre en œuvre des projets de développement.
Selon une ordonnance présidentielle diffusée début mai sur la Radio-Télévision nationale congolaise (RTNC), tous les actifs tangibles et intangibles ainsi que les obligations et responsabilités de ce Fonds sont transférés à l’État. Dans la foulée, l’organisation a été remplacée par un organisme public portant la même dénomination, qui a été fusionné à la cellule d’appui au Programme d’urgence intégré de développement communautaire (CAPUIDC) – dont la mission est de coordonner les actions et les initiatives urgentes du chef de l’État. La nouvelle entité née de cette fusion sera dirigée par l’ancien responsable de cette même cellule d’appui, Philippe Ngwala Malemba.
616 380 de bénéficiaires touchés
Cette décision, prise de façon unilatérale n’a pas tardé à faire réagir l’institution de Bretton Woods. Dans une lettre officielle, Albert Zeufack, directeur pays de la Banque mondiale pour la RDC, s’est adressé au ministre des Finances Nicolas Kazadi, en exprimant ses regrets sur « l’absence d’un échange préalable qui aurait permis de mieux apprécier et d’anticiper les conséquences ».
Au vu des enjeux, et avant de pouvoir continuer à engager les fonds nécessaires au déroulement des projets soutenus, la Banque mondiale a demandé à s’accorder avec le gouvernement congolais sur les mesures transitoires à mettre en place afin de s’assurer que les sommes allouées sont utilisées aux fins prévues, et qu’elle sont conformes à la politique de financement des projets d’investissement de l’institution. « Cette transition permettra à nos équipes fiduciaires d’évaluer la nouvelle structure créée et de réviser, le cas échéant, les accords de financement », peut-on lire dans le courrier.
Dans le détail, selon les dispositions des différents accords juridiques qui lient le gouvernement congolais et la BM, l’organisme dissout était chargé de l’exécution de trois projets d’une enveloppe totale de 1,04 milliard de dollars. Il s’agit précisément du projet de prévention et de réponse aux violences basées sur le genre (PRVBG) pour 100 millions de dollars américains ; du projet de stabilisation de l’est de la RDC pour la paix (Step) pour 695 millions dollars américains ; et du projet de stabilisation et de relèvement de l’Est (Star-EST) pour 250 millions de dollars américains. Au total, la lettre indique que 616 380 bénéficiaires seront directement touchés par cette décision soudaine.
Il est également bien précisé que les dépenses effectuées dans le cadre d’une composante exécutée par le FSRDC après publication de l’ordonnance présidentielle pourraient être déclarées inéligibles. À ce jour, 91 millions de dollars américains avancés aux projets PRVBG (2 millions) et Step (89 millions) sont dans l’attente de justification.
Par Yara Rizk sur https://www.jeuneafrique.com/1445679/economie/pourquoi-felix-tshisekedi-a-contrarie-la-banque-mondiale/