Interpellation – M. le Président, en démocratie on ne dit pas « Fameuse Opposition » !

* Autrement, on accepte soi-même d’être ” Fameux Pouvoir ” ! Qu’il ne perde pas de vue que sa victoire électorale avait été acquise avec 38 % ; ce qui juridiquement parlant veut dire que l’Opposition représente 62 %…
* Lorsqu’on a été Pouvoir comme l’a été le Fcc, on ne fait pas l’Opposition de type Udps en agitant la rue à tout bout de champ. Félix Tshisekedi s’en rendra compte lorsque, par le jeu des élections démocratiques, son parti sera de retour à l’Opposition…
Interviewé par RFI et France 24 en marge de la 77e Assemblée Générale ordinaire des Nations Unies, Félix Tshisekedi a confirmé la caractéristique à laquelle il s’identifie de tout temps : celle de parler avec mépris de tous ses adversaires réels, supposés ou imaginaires. Il se raconte que c’est de la même manière qu’il traite ses partenaires.
En effet, à chacune de ses interventions destinées au public, il lâche toujours un mot, une phrase susceptible de déranger, d’indisposer l’autre. Devenu Président de la République, il a du mal à contrôler sa volubilité, et les dégâts pleuvent.
C’est le cas avec l’expression « fameuse Opposition » utilisée dans son interview à RFI et France 24 le 23 septembre 2022.
Pour en réaliser le non-sens, restituons-en le contexte. Marc Perlman de France 24 lui pose cette question : « L’opposition vous accuse d’avoir placé à la tête de la Commission électorale, la Céni, et à la tête de la Cour Constitutionnelle des hommes à votre main, et donc de vouloir verrouiller le scrutin et être sûr d’être réélu parce qu’on sait que vous allez vous représenter ».
Félix Tshisekedi répond : «…je crois qu’aujourd’hui, cette question est vidée parce que même cette fameuse opposition reconnaît en lui sa valeur. Et tous nos partenaires ont aussi adoubé l’individu. Donc, il n’y a plus de raison de douter de cela ».
Qu’est-elle, cette Opposition ? Ce n’est pas Lamuka en ce que l’aile Katumbi est à l’Union Sacrée tandis que l’aile Fayulu et Muzito se dit de la Résistance.
L’Opposition véritable, aux termes de la Constitution et de la loi sur son statut, est par conséquent le Front Commun pour le Congo après la liquidation de la coalition avec Cach annoncée en octobre 2020 par Félix Tshisekedi en personne.
Dès lors que le peuple souverain s’était exprimé au travers du scrutin du 30 décembre 2018, la configuration politique actuelle met côte-à-côte ou face-à-face un Pouvoir et une Opposition issus des urnes et détenant, à deux, la légitimité populaire et la légalité constitutionnelle.
En tant que garant de la Constitution, il n’a pas à se dédire, lui qui s’est déclaré dans son discours d’investiture Pprésident de tous les Congolais, autant ceux qui l’ont élu (38 %) que ceux qui l’ont contesté pour ne l’avoir pas voté (62 %).
CALENDRIER EST UN CHRONOGRAMME
Aujourd’hui, il tarde à le réaliser parce que trop occupé à s’admirer dans les lambris du Pouvoir qui, en tout régime démocratique, se perd aussi, tôt ou tard.
Du reste, une fois redevenu Opposition, il n’aura plus le même entrain, la même mordacité qu’il avait avant la prise du pouvoir en janvier 2019.
Ainsi, le premier des acquis de la première alternance démocratique intervenue au pays en janvier 2019 grâce à Joseph Kabila est le fait qu’à l’instar du Palu après 2006, l’Udps a maintenant une expérience de gestion de la Chose publique lui ayant fait défaut presque 40 ans durant.
C’est l’occasion pour ce parti de comprendre le sens de retenue dont fait preuve l’Opposition FCC qui, elle, connaît les réalités de cette gestion.
Dans le contexte actuel caractérisé par la volatilité des enjeux sécuritaires et la fragilité des enjeux électoraux, connaissant la dextérité avec laquelle l’Udps se victimise, le FCC ne veut pas porter le chapeau de tout dérapage éventuel. Ça s’annonce avec la propension de ses communicants à évoquer l’article 70 pour justifier le glissement éventuel.
En vérité, lorsqu’il va rentrer à l’Opposition par la même volonté du même souverain primaire l’ayant envoyé aux affaires, ce parti ne mobilisera plus facilement la rue.
Autre sonnette d’alarme à tirer de l’interview de Félix Tshisekedi : le calendrier électoral. Dans la même interview, Christophe Boisbouvier de RFI fait observer l’absence du calendrier électoral. Réponse troublante du Chef de l’Etat : « Le calendrier viendra. On est à plus d’un an encore des élections. Ce n’est pas le calendrier qui va faire les élections. Ce sont les électeurs. Il faut les enrôler. C’est cela qui est le plus important pour moi. Le calendrier, on peut le faire en dernier lieu, à la dernière minute ».
Hier à l’Opposition, Félix Tshisekedi réclamait à tue-tête d’Apollinaire Malu-Malu, de Daniel Ngoyi Mulunda et de Corneille Naanga la publication du calendrier électoral. Il imputait à Joseph Kabila la responsabilité de tout retard en la matière. Il mettait et remettait dans la rue des combattants pour réclamer avant toute chose ce calendrier. Rappelons-nous des incidents de février 2015 pour des élections prévues en décembre 2016. Ou encore des incidents de septembre 2017 pour des élections prévues en novembre 2018.
Et voilà qu’au même poste, il considère que « Le calendrier, on peut le faire en dernier lieu, à la dernière minute ».
Or, le calendrier est un chronogramme dans lequel sont indiquées toutes les étapes du processus. Le produire à la dernière minute ne peut que signifier la veille des élections.
PRESIDENT DE TRANSITION, SELON MIKE HAMMER
A force de vouloir se prononcer sur tout, Félix Tshisekedi va faire fourcher sa langue dans une matière pourtant d’une extrême sensibilité : état d’urgence. A la question de Marc Perlman de France 24 sur un premier bilan de cette disposition sécuritaire, le Chef de l’Etat donne une autre réponse troublante : « Oui. Mais je crois déjà que les groupes mafieux ont été pour la plupart neutralisés. Je crois que vous avez quand même appris que les recettes de ces provinces ont fait un bond en avant ».
Ainsi, son satisfecit ne se fonde pas sur l’objectif prioritaire de la sécurité des populations civiles de l’Est, mais de la croissance des ressources budgétaires.
PRESIDENT DE TRANSITION !
A une année presque de la fin de son mandat, Félix Tshisekedi continue de donner l’impression de ne pas avoir la volonté réelle d’assumer la fonction de président de la République à laquelle il n’a pas été préparé (ce qui est excusable), mais pour laquelle il semble ne pas s’efforcer d’assumer (ce qui est inexcusable).
Quelqu’un d’avisé déduirait qu’il regrette d’avoir cessé d’être opposant qu’il n’aurait nullement tort. Son ami Mike Hammer l’avait d’ailleurs (a)perçu en président de transition.
Dans et par ses déclarations publiques, il le confirme lui-même.

Barnabé KIKAYA Bin Karubi
Ancien Ministre, Ancien Ambassadeur, Ancien Député, Professeur à l’Université de KINSHASA, Faculté des Lettres, Département des Sciences de l’Information et de la Communication, Kinshasa, R.D. Congo.
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