Après les avoir combattues, Tshisekedi pique les idées du Mzee Kabila : Service national, CPP !

Qui l’eut cru ? Pourtant, c’est évident : si pour le Service National (SN), la récupération est ouverte et visible, pour les Comités du Pouvoir Populaire (CPP), elle est plutôt subtile. Dans le compte-rendu du Conseil des Ministres du vendredi 10 septembre 2022, le chef de l’Etat et son gouvernement ont planché sur le « Projet de Décret portant création, organisation et fonctionnement des Comités Provincial et Local de Sécurité » (CPLS) présenté par le ministre de la Défense. Ils ont opté pour un décret, acte relevant de la compétence du Premier Ministre, au lieu d’une loi, acte juridique engageant le Parlement. Par le décret, est ainsi évité un débat au cours duquel un député ou un sénateur avisé aurait relevé des concordances entre le CPP et le CPLS, de réduire celui-ci à une copie révisée de celui-là. A son époque, Mzee Laurent-Désiré Kabila agissait par décret et non par ordonnance…
CCP : INSTRUMENT DE BONNE GOUVERNANCE PAR L’AUTOPRISE EN CHARGE
A leur création et lancement en 1999, Laurent-Désiré Kabila avait confié aux CPP deux missions :
– d’abord, s’assurer de la bonne exécution des missions confiées aux institutions publiques ainsi que des chantiers publics adjugés par des entreprises privées tout en se chargeant de la réalisation des petites infrastructures (par exemple, remplacer la dalle abîmée d’un caniveau, curer ce dernier, gérer les immondices ménagers etc.)
– ensuite, assurer la sécurité publique informelle dans les localités en milieu rural et les rues, avenues et quartiers en milieu urbain.
C’était cela même, le concept « autoprise en charge ».
Et que rapporte le compte-rendu du Conseil des Ministres du 10 septembre 2022 ? En 4 paragraphes, en voici la reproduction intégrale :
« Le Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires Coutumières a soumis au Conseil un Projet de Décret portant création, organisation et fonctionnement des Comités Provincial et Local de Sécurité.
« Ce texte a été élaboré pour répondre à la nécessité de doter les Comités Provincial et Local de Sécurité d’un cadre juridique approprié en vue d’améliorer la gouvernance sécuritaire dans les Provinces, les Entités Territoriales Décentralisées et les Entités Territoriales Déconcentrées par une approche participative associant la population à travers les acteurs non étatiques ».
« Il a indiqué que ces Comités provinciaux et locaux de sécurité constituent des instances importantes pour la matérialisation des six (06) principales fonctions de la Politique de défense et de sécurité, à savoir : Connaître – Prévenir – Anticiper – Dissuader – Protéger – Intervenir. L’objectif poursuivi est de concrétiser la réforme de l’Armée, de la Police Nationale Congolaise et l’humanisation des services de renseignement.
« L’application de ce Décret va résoudre les difficultés dans l’organisation et le fonctionnement des structures de gouvernance sécuritaire tant au niveau provincial que local, permettre d’anticiper efficacement sur les menaces sécuritaires, prévenir et de résoudre durablement les problèmes sécuritaires ».
Il va de soi que si les Cpp n’avaient pas été diabolisés par l’Udps, la bonne gouvernance dont on se vante maintenant d’être le promoteur se serait inculquée dans la culture congolaise à la place de la corruption.
Indéniable, le fait est donc là : le parti présidentiel a récupéré à son compte une initiative qu’il avait combattue hier, alors parti de l’opposition.
SERVICE NATIONAL : CREUSET DU NATIONALISME CONGOLAIS
Autre initiative combattue hier, le Service National (SN). Aujourd’hui, Félix Tshisekedi est frénétiquement applaudi par l’Udps (son parti) et par l’Union sacrée de la nation (sa plateforme politique) pour la transformation des jeunes désoeuvrés (communément appelés Kuluna) en jeunes bâtisseurs grâce à l’encadrement du Service national.
Personne cependant, ni dans l’une, ni dans l’autre n’a le courage de rappeler aux Congolais le fait que ce service fonctionne sur base du décret-loi 032 du 15 octobre 1997, décret qui en fait une structure de la Présidence de la République avec pour missions :
« – 1. d’organiser sur l’ensemble du territoire national des centres d’encadrement de jeunes filles et garçons désoeuvrés, de jeunes finalistes d’enseignement secondaire ou universitaire; en vue de leur inculquer une éducation civique et patriotique, de les initier aux travaux de production agricole, suivi d’une professionnalisation éventuelle, et de leur donner une formation paramilitaire et d’autodéfense;
– 2. de transformer progressivement chaque centre en un véritable pôle de développement intégré, en fournissant l’appui technique et matériel à tous les villages environnants;
– 3. de transformer les centres de production et d’appui à la reconstruction en un véritable creuset des valeurs civiques et patriotiques en utilisant le brassage de l’intégration des jeunes venus de différents horizons, couches sociales, ethnies, pour leurs inculquer les valeurs socioculturelles: d’amour de son pays, de solidarité, de tolérance, de justice, d’égalité et d’équité malgré la diversité des origines;
– 4. de transformer les centres de production et d’appui à la reconstruction en une véritable pépinière de futurs acteurs du développement intégré, ayant pris goût au travail productif, tout en se tenant prêt à défendre, la viabilité et les intérêts de notre pays par tous les moyens, y compris par les armes s’il le faut;
– 5. de transformer les centres en véritable laboratoire grandeur nature, où seront expérimentées toutes les recettes, idées ou théories, relatives au développement de notre pays;
– 6. de transformer les centres en véritable catalyseur de l’exode urbain, où les jeunes découvriront le trésor caché et le charme de la vie campagnarde, et la nécessité de sauver nos villages et nos campagnes, d’où devra partir un développement durable;
– 7. de transformer les centres en cadre idéal, où pourront s’épanouir tous les talents inhibés par la précarité de condition de vie dans leur cadre de vie habituel;
– 8. d’encadrer les militaires en fin de carrière, en vue de leur insertion dans les différents pôles de développement intégré, et leur participation à la production et à la reconstruction;
– 9. d’enrôler dans le cadre de services civique à durée déterminée, les finalistes des instituts supérieurs et universitaires en vue de venir en aide à certaines régions déshéritées du pays où règne la carence en médecins, enseignants et autres cadres ».
Or, à sa création par Laurent-Désiré Kabila avec pour coordonnateur le général Denis Kalume ayant pour directeur de cabinet Vital Kamerhe, le Service National avait été présenté par l’opposition pilotée par l’Udps en organisation paramilitaire anti-occidentale.
Pourtant, cela n’avait pas été le cas. Laurent-Désiré Kabila en avait fait le creuset de l’unité nationale, le fer de lance de la protection et de la production nationales. D’où l’initiative de faire abriter dans chaque tente 11 jeunes originaires des 11 provinces de l’époque avec pour mission première de constituer des polyglottes, chaque membre devant apprendre à parler les quatre langues nationales (lingala, kikongo, tshiluba et swahili), favorisant de ce fait l’interpénétration sociale et culturelle.
Voir maintenant l’Udps s’en approprier et s’en vanter a quelque chose d’amoral.
PAS ÉTONNANT : ÇA S’APPELLE JURISPRUDENCE !
Rien de surprenant puisque c’est dans son ADN. Voyez comment ce parti s’empare de la gratuité de l’enseignement de base dont le programme initial avait été piloté sous Joseph Kabila.
Voyez comment il vient de s’approprier la gratuité des accouchements en milieux hospitaliers initiée par le Premier ministre Samy Badibanga et annoncée dans son programme d’investiture pour le gouvernement issu du Dialogue de la cité de l’Union africaine en 2016.
Voyez comment il se prétend à la base des projets d’aménagement des usines de production d’eau de Lemba imbu et de Binza Ozone, du centre culturel en construction devant le Palais du Peuple, de la station de conversion électrique de Mbudi résultant, au même titre que l’implantation en cours des poteaux électriques dans les quartiers, de la construction du barrage hydroélectrique de Zongo II.
Rien de surprenant de le constater : pour des initiatives porteuses d’espoirs prises par les régimes L-D. Kabila et J. Kabila, on oublie de rappeler leur responsabilité. Pour des mêmes mal gérées par le régime Udps, on déverse des tonnes d’injures sur leur responsabilité.
Pas étonnant : ça s’appelle jurisprudence !
Nous y reviendrons…

Barnabé KIKAYA Bin Karubi
Ancien Ministre, Ancien Ambassadeur, Ancien Député, Professeur à l’Université de KINSHASA, Faculté des Lettres, Département des Sciences de l’Information et de la Communication, Kinshasa, R.D. Congo.
www.kikayabinkarubi.net | Twitter: @kikayabinkarubi
Intéressant.