VISITE DU ROI DES BELGES
Felix Tshisekedi, le Roi Philippe et Georges Forrest.

Incroyable mais vrai. Le Roi Philippe, fils d’Albert II, neveu de Baudouin le Bwana Kitoko, descendant du Roi Léopold, prononce un discours aux relents du discours polémique de Patrice Emery Lumumba en 1960, reconnaissant que la colonisation belge était basée sur la domination et l’exploitation, un régime basé sur le paternalisme, les discriminations et le racisme. Dans la foulée, il présente ses profonds regrets pour les blessures du passé.
En réponse à ce discours fort, Félix Tshisekedi, le premier des congolais, répond par un discours semblable dans le fond à celui qu’avait prononcé le Roi Baudouin, vantant la capacité qu’a la Belgique de bloquer la RDC dans les arènes internationales : « Je crois que pour la République démocratique du Congo et je l’ai toujours dit, la porte d’entrée en Europe, je parle là de l’Europe diplomatique et politique, l’Europe des affaires, c’est la Belgique. Si la Belgique gronde ou si la Belgique est fiévreuse par rapport à la République démocratique du Congo, toute l’Europe la suivra », a-t-il déclaré le 8 juin 2022 au cours d’une conférence de presse au Palais de la nation.
Voilà pour le décor de ce que sera la visite royale belge en République Démocratique du Congo. Et le burlesque de s’inviter à cette grand-messe : le gouverneur de la ville de Kinshasa qui se trouve des talents d’ »atalaku » (troubadour ou animateur de musique), toute honte bue, chantant et dansant à la gloire de Félix Tshisekedi devant le couple royal. A Lubumbashi, un athlète perd son pantalon, exhibant son intimité non protégée par un sous vêtement, comme pour dire au couple royal frappé de stupeur, que la misère est à son comble et de se méfier des apparences. Elles sont souvent trompeuses.
RELATIONS EN DENTS DE SCIE
Les Congolais ont en mémoire l’étrange colère qui s’était emparée en 2008 de Karel de Gutch – alors ministre belge des Affaires étrangères – au lendemain de l’annonce du contrat sino-congolais. Ce dernier avait effectué précipitamment le déplacement de Pékin plus pour faire annuler ce contrat que pour l’amender.
Aussi, pendant tout le reste du mandat de Joseph Kabila (2008-2018), Bruxelles, profitant de sa position en tant que sièges de la Commission (Gouvernement) de l’Union européenne et de l’Otan, a développé à l’égard de Kinshasa une attitude virant presqu’au mépris, rappelant aux congolais le célèbre « Débat de clarification » avec pour interlocuteurs, coté Kinshasa, feus les compatriotes Kamanda wa Kamanda, Mpinga Kasenda et Nimy Mayidika Ngimbi. C’était en 1988, une année avant l’avènement de la Perestroïka, deux ans avant le discours du 24 avril 1990.
Depuis, les relations entre Kinshasa et Bruxelles connaissent plus de bas que de hauts.
En témoigne 32 ans après (1990-2022) : la prise de position de Georges Arthgur Forrest, citoyen belge mais 100% congolais dans son for intérieur.
UN LÂCHAGE DE LA BELGIQUE
Dans une interview accordée à la version électronique africaine de «La Libre Belgique » le 25 mai 2022 certainement en prévision de la visite du couple royal belge en RDC, cet opérateur économique se plaint du fait que, selon le titre, « La Belgique ne protège pas ses entrepreneurs au Congo ”.
En rapport avec les questions qui touchent directement aux investissements belges en RDC, Georges Forrest pointe du doigt accusateur des ONG (Organisations non gouvernementales). Ainsi, de celles-ci, il déclare à propos des accusations dont il se dit victime : « Ces ONG étaient payées. On a prouvé dans Le Soir et dans La Libre qu’une ONG anglaise très influente avait reçu de l’argent, 250.000 dollars, d’un minier d’ici, pour les défendre et nous attaquer.
Du partenariat stratégique avec l’Afrique préconisé par l’Union européenne, organisation dont la Belgique est un membre influent, l’opérateur économique déclare : « C’est limite. Il y a 25 ans déjà, j’avais dit lors de la visite d’une mission économique belge que si l’Europe ne venait pas, et les Belges en particulier, on allait perdre le Congo et l’Afrique. Et quand s’est tenue une conférence Europe-Afrique en Libye (en 2010, Ndlr), à laquelle j’avais été invité par Yves Leterme (alors Premier ministre, Ndlr), je suis encore intervenu pour dire que l’Europe devait trouver des solutions. En fait, on a déjà perdu. Vous avez les Chinois, les Indo-Pakistanais dont on ne parle pas parce qu’ils viennent plus discrètement. Mais ils tiennent tout le commerce. Les Russes essaient de s’implanter… ».
Aussi, stigmatise-t-il ce qu’il considère comme un lâchage de la Belgique, s’agissant entre autres des relations avec les banques commerciales. Se plaignant pour que les banques étrangères laissent les gens opérer, Georges Forrest tranche : « Ici, quand vous faites une transaction d’une banque à l’autre, ça prend une semaine, dix jours. On vous pose trente-six questions sur la provenance de l’argent avant de le débloquer, même 100 dollars… Ça, c’est la responsabilité des gouvernements européens et notamment du gouvernement belge qui ne protège pas ses entrepreneurs et agit ainsi sous la pression des ONG et de la presse ».
PASSER DE LA PAROLE À L’ACTE
Entendre le président Félix Tshisekedi affirmer ce qu’il a dit à propos de Bruxelles comme porte de la RDC à l’extérieur n’a rien de répréhensible, ni de risible.
De 1960 à 2022, la liste des preuves ne fait que s’allonger. Que ce soit sous la 1ère ou la 2ème Républiques avec respectivement Kasa-Vubu et Mobutu à la tête du pays, que ce soit sous les différentes transitions avec respectivement Mobutu, L-D. Kabila et J. Kabila d’abord seul, ensuite avec le 1+4, ou que ce soit sous la 3ème République avec Joseph Kabila et aujourd’hui Félix Tshisekedi depuis 3 ans, Bruxelles dans toutes ses trois statuts (ex-métropole, siège de la Commission de l’Union européenne et siège de l’Otan) a trouvé un substitut aux exactions perpétrées en périodes précoloniale et coloniale.
Prétextant tantôt des droits de l’homme, tantôt de démocratie, tantôt de climat d’affaires, et s’appuyant sur les ONG qui alimentent les médias soutenus par des fonds qu’elle alloue elle-même dans le cadre de la coopération humanitaire, la Belgique est pourtant censée savoir qu’elle fragilise le Congo pour des raisons jusque-là demeurées « mystérieuses ». Si bien que des concepteurs de divers plans de balkanisation, aidés en cela par des régimes rassurés de conserver le pouvoir à condition de déstabiliser périodiquement leur géant voisin, trouvent dans la position ambiguë de l’ex-colonisateur une très bonne raison de fragiliser Kinshasa.
Entendre alors le roi Philippe – même si ce n’est pas de sa compétence – rassurer les Congolais du respect des frontières héritées de la colonisation, mais en plus promettre le plaidoyer belge dans les instances internationales, il y a là de quoi se dire : « enfin » !
Faut-il encore passer de la parole à l’acte. Et l’un des actes à poser est, pour Bruxelles, d’obtenir la levée des sanctions de l’Union européenne prise à sa demande sur base, à ne pas en douter, des ONG dont Georges Forrest révèle le rôle prépondérant dans la détérioration de ses relations en affaires.
EVITER LA PILULE AMÈRE
En politique, il s’avère que ces ONG ont fortement pesé dans la diabolisation des régimes Mobutu Sese Seko, Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila. D’ailleurs, au cours de ces trois ans et demi de Félix Tshisekedi, certaines aiguisent déjà leurs armes.
Il est vrai qu’on n’a pas à se faire d’illusions. Bruxelles aura beaucoup de peine, par rapport à la levée des sanctions, à convaincre du contraire ses partenaires de l’Union européenne en particulier, les Occidentaux en général, entraînés dans une action mal réfléchie.
62 ans après le roi Baudoin, le roi Philippe est venu s’excuser pour les méfaits de la pré-colonisation (1885-1908) et de la colonisation (1908-1960).
Espérons qu’on attendra pas 2060 – Centenaire de l’Indépendance – pour voir le futur roi venir présenter ses excuses pour les erreurs ou les fautes commises au cours des six décennies actuelles. La pilule amère aura du mal à passer car le Congo sera à ce moment-là entre les mains des jeunes auxquels le roi Philippe s’est adressé le 10 juin 2022 à l’étape lushoise de son séjour en RDC, des jeunes de l’Université de Lubumbashi. La seule à avoir porté le nom d’une ville dédiée à une Reine de Belgique : Elisabethville.
C’est de cette alma mater qu’est partie, sur base pourtant d’un faux, la politique étrangère belge à l’égard de Kinshasa : l’Opération Lititi Mboka. Toute une symbolique.

Barnabé KIKAYA Bin Karubi
Ancien Ministre, Ancien Ambassadeur, Ancien Député, Professeur à l’Université de KINSHASA, Faculté des Lettres, Département des Sciences de l’Information et de la Communication, Kinshasa, R.D. Congo.
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