Cour Constitutionnelle : le Parlement se cabre, Fatshi désormais seul face à ses ordonnances

La tripartite interinstitutionnelle de mardi 13 octobre dernier entre le chef de l’Etat et les présidents des deux chambres du Parlement a donné une nouvelle tournure au dossier des deux juges de la Cour constitutionnelle nommés à la Cour de cassation dans les conditions que l’on connaît. Une nouvelle tournure qui se trahit déjà par cette escalade des communiqués autour de la nature de cette rencontre et de ce qui s’y serait dit.

Pour les faits, l’on retient que c’est l’institution Parlement qui a été à l’initiative de cette réunion qui a tourné principalement autour de la question de prestation de serment des trois nouveaux juges de la Haute Cour. Ceux-ci avaient été nommés en remplacement de deux juges, Ubulu et Kilomba, qu’elle (l’institution Président) avait nommé et de Benoît Lwamba qui, officiellement parlant, avait démissionné, alors que lui-même a toujours démenti.
La colle de Mabunda et ATM
Dans un communiqué signé « cellule de communication du Parlement », cette information, attribuée aux Présidents Jeanine Mabunda Lioko Mudiayi de l’Assemblée nationale, et Alexis Thambwe Mwamba du Sénat, est confirmée, mais avec une précision plutôt croustillante. « Le Parlement a partagé sa perplexité et son interrogation sur la prestation de serment des membres (ndlr : de la Cour constitutionnelle) récemment nommés sur base de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, au regard de l’Ordonnance n° 16/070 du 22 août 2016 portant dispositions relatives au statut particulier des membres de la Cour constitutionnelle et à la controverse socio-politique qui s’en est suivie », peut-on lire dans ce communiqué.
Les deux Présidents des deux chambres du Parlement ajoutent que « l’entretien s’est achevé sur ce et le Parlement a affirmé son attachement au respect des textes ». Par conséquent, le Parlement « s’est engagé à poursuivre la réflexion dans l’optique de chercher des solutions idoines et respectueuses de la Constitution (…), des lois et règlements nationaux pour la sauvegarde des acquis démocratiques nés de l’alternance politique historique de 2019 ».
De ces positions l’on retient trois choses essentielles. D’abord que la réunion interinstitutionnelle restreinte n’a dégagé aucun compromis pouvant permettre la prestation de serment des juges nommés par Félix Tshisekedi. Ensuite que la divergence s’est manifestement située dans la valeur juridique de ses ordonnances à l’aune des lois du reste énumérées par les chefs de corps du Parlement. Enfin, qu’il ne saura plus y avoir de prestation de serment, du moins en l’état, tant que des solutions « idoines » et « respectueuses de la Constitution » n’auront pas été trouvées à cette situation ».
Le Parlement s’accroche aux textes, Fatshi seul avec ses ordonnances « controversées »
En clair, l’institution Parlement, législateur attitré, refuse de cautionner les ordonnances de l’institution Président de la République « à la controverse socio-politique qui s’en est suivie ». On en revient donc au débat, fort malheureusement politisé pour des raisons évidentes, sur la régularité des ordonnances présidentielles ayant désaffecté deux juges en cours de mandat sans leur avis. Les deux textes évoqués ci-haut par Mabunda Lioko et Thambwe Mwamba constituent le socle même de cette crise.
A ne pas oublier, non plus, que le dossier de la « démission » du juge Président Benoît Lwamba Bindu demeure d’actualité. Son avocat Théodore Ngoy demeure sur le gril et le dossier ne manquera certainement pas de revenir au débat dans un proche avenir.
L’on se souvient, en effet, que, parti aux soins en Belgique, Benoît Lwamba avait été surpris d’apprendre qu’il avait démissionné et que sa décision avait été actée par la plénière de la Haute Cour qui s’empressera d’en notifier le chef de l’Etat. Les observateurs furent saisis de la célérité qui avait caractérisé les échanges épistolaires entre la cité de l’UA et le palais de justice dans ce dossier.
Ce qui fit dire qu’il y avait bien un intérêt politique dans ce dossier. Des appréhensions qui se trouveront confortées par l’acharnement des tshisekedistes sur les ordonnances irrégulières du chef de l’Etat et, aujourd’hui, sur cette croisade lancée par le nouveau Procureur général Nkokesha, estampillé tshisekediste, contre le Président a.i. Gilbert Prince Funga. Une croisade qui ne cache rien de la convoitise dont le siège de ce dernier fait l’objet dans le camp tshisekediste.
Même si les thuriféraires du chef de l’Etat montrent une intrépidité dans la défense des ordonnances dont les irrégularités demeurent évidentes, il est clair que la balle est désormais dans le camp du Président de la République, garant de la Nation. Lui-même auteur des ordonnances controversées, il lui revient de se rendre à l’évidence des erreurs que lui ont fait commettre ses collaborateurs pour s’assumer utilement.
Nombre de dossiers demeurent aujourd’hui bloqués faute de fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Des dossiers autrement sensibles qui concernent, notamment, le fonctionnement des provinces et qui sous-tendent, en définitive, la paix et la stabilité des institutions.
Désormais donc, Félix Tshisekedi a le choix entre la confrontation avec l’institution Parlement, avec ce qui s’en suit en termes d’invasion du Parlement comme on en a été habitué, et son élévation afin de sauver ce que lui seul aujourd’hui peut sauver.
Albert Osongo sur http://nouvellerepublique-rdc.net/?p=844