Hommage aux Forces Armées de la République Démocratique du Congo !

Y aurait-il sous les cieux un chef d’État qui tienne, sans états d’âme, des propos de nature à discréditer son armée comme le fait Félix Tshisekedi? Le 11 août dernier, en séjour à Ndjamena dans le cadre de la fête nationale du Tchad, il a émis le vœu, pince sans rire, de s’inspirer du soldat tchadien pour la formation du soldat congolais. Dire que dans le classement des États africains par indice de puissance militaire pour 2022, la RDC est en 11ème position, le Tchad en 13ème position ! « J’ai assisté à un défilé impressionnant. J’ai vu que l’armée tchadienne est une armée de métier, très bien organisée et équipée. Ça va me servir de modèle. Nous sommes aussi en ce moment dans la phase de réforme de notre armée. Je comprends les exploits que le Tchad fait ailleurs sur le continent », a déclaré le chef de l’État congolais.
A Abidjan, le 19 juin, parlant des Fardc à la communauté congolaise locale, il disait déjà : « On se rend compte, en fait, qu’il y a beaucoup de magouilles qui minent nos forces de sécurité. Il s’est développé en même temps que la mafia, ici, la même mafia dans l’armée, dans nos institutions ».
Ainsi, remet-il en cause la capacité de son soldat de défendre la Nation. Et il le fait au moment où, d’un côté, il met l’Est du pays sous l’état de siège et, de l’autre, engage l’armée congolaise dans la mutualisation avec les armées ougandaise, rwandaise et burundaise pour traquer et neutraliser les groupes armés auteurs des crimes de guerre et de génocide.
Quelle confiance pense-t-il susciter dans le soldat burundais, rwandais et ougandais pour le sien ?
Réduit à une soldatesque
Au moins, dans le classement cité ci-dessus pour 2022, la RDC occupe la 11ème place pendant que le Tchad prend la 13ème place. Donc, la RDC est en avance sur le Tchad.
Faut-il retenir qu’à la veille de l’investiture de Félix Tshisekedi en qualité de chef de l’État, le régime Kabila – quoique sous embargo total pour l’acquisition des armes et autres matériels de guerre – avait réussi à hisser les Fardc à la 10ème place dans le même classement dressé chaque année.
En vérité, l’armée nationale n’a été soldatesque que dans l’imaginaire de l’Udps sous le leadership d’Étienne et de Félix Tshisekedi. Qualifiée ainsi sous ses trois prédécesseurs, la force gouvernementale a pourtant marqué son époque avec des hauts faits d’armes.
A l’époque coloniale, le soldat congolais avait brillé par son entrain dans tous les champs de bataille où on l’envoyait. A Mahenge et Dodoma en Tanzanie, à Gambela, Assossa et Saio en Ethiopie, à Kitega au Burundi, voire en Birmanie (Asie), la Force publique avait aligné des exploits lors de la Première et de la Seconde guerre.
Après un passage à vide consécutif à la politisation à outrance de la gestion de la 1ère République, le soldat congolais avait repris du poil de la bête. On l’avait vu, sous Mobutu, former des soldats africains au nombre desquels des Rwandais, des Burundais, des Centrafricains et, des Tchadiens ! C’est d’ailleurs pour cela qu’en guise de reconnaissance, l’armée tchadienne était intervenue aux côtés l’armée congolaise au front nord (Équateur) pendant l’agression rwandaise de 1998, avant de se retirer sur pression de Paris.
Au crédit encore du soldat congolais, l’assistance apportée aux mouvements de libération des pays de la ligne de front en Afrique australe.
Il est vrai que pour avoir accompagné le maréchal Mobutu dans la consolidation du Mpr Parti-État, le soldat congolais est devenu la bête noire de l’opposition. Il n’a cependant pas été le seul corps d’État à le faire. Le fonctionnaire, l’opérateur économique, le syndicaliste, le professionnel des médias, le sportif, l’enseignant, l’artiste, le politique, l’écrivain, le cultivateur, l’ingénieur, bref tous les corps de métiers avaient contribué à la consolidation du régime Mobutu. Curieusement, on avait fait du soldat une fixation. L’opposition l’avait réduit à une soldatesque.
Il n’assume pas le discours d’État
Dans l’une de ses premières interviews aux médias étrangers une fois devenu président de la République, Félix Tshisekedi a été le premier ex-opposant à prendre fait et cause pour les Fardc, considérant que tout ce qui se disait de négatif sur le soldat congolais est faux !
Par quoi expliquer dans ce cas la contradiction avec les déclarations d’Abidjan et de Ndjamena ? Dans le cas du Tchad, qu’est-ce qui explique cette initiative de confier au moins placé la formation du mieux placé ?
Si c’est seulement l’apparat pour la parade, alors la suite se conçoit et se comprend : le chef de l’État congolais ne croit ni à la vérité, ni à la réalité, mais à ce qui l’impressionne ! Et là, à vouloir à tout moment impressionner son auditoire, il n’assume pas le discours d’État. D’où ce questionnement :
- comment réclamer avec assurance et obtenir avec certitude du Conseil de sécurité de l’Onu la levée totale de l’embargo lorsque le président de la République doute lui-même de sa propre armée ;
- comment pouvoir garantir le succès de l’état de siège et de la mutualisation des forces régionales quand ce doute serpente et affecte les institutions ;
- et comment accélérer le départ de la Monusco lorsque par le discours de rue on donne soi-même à la communauté internationale une bonne raison de maintenir cette force ?
L’histoire sera au moins redevable à Joseph Kabila. Héritier d’une armée composite formée d’éléments venus de tous les horizons (éléments loyalistes, rebelles, mutins etc.), il en a fait un corps de métier redoutable.
Au nom de la continuité de l’État – prérogative dévolue au président de la République à l’article 69 de la Constitution – les Fardc méritent un encadrement efficient.
Cet encadrement ne s’assure pas avec des piques ouvertes ou voilées…
Soldat congolais, je vous salue.

Barnabé KIKAYA Bin Karubi
Ancien Ministre, Ancien Ambassadeur, Ancien Député, Professeur à l’Université de KINSHASA, Faculté des Lettres, Département des Sciences de l’Information et de la Communication, Kinshasa, R.D. Congo.
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