Dans l’est de la RDC, trois mois d’opérations conjointes avec l’Ouganda et de maigres résultats

A UPDF soldier at the border between Uganda and DRC, in Busunga, Uganda on February 11, 2022.

DécryptagesLes habitants du Nord-Kivu et de l’Ituri, endeuillés, ne cachent pas leurs doutes sur l’efficacité de l’intervention « Shujaa » censée venir à bout des Forces démocratiques alliées, qui ont tué au moins 6 000 civils depuis 2013.
Didier* avait 10 ans lorsqu’il a vu l’armée ougandaise pénétrer pour la première fois dans sa ville, Beni, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). C’était au début des années 2000, pendant la « deuxième guerre du Congo », à l’époque des combats meurtriers entre troupes et milices à la solde de Kampala, Kigali et Kinshasa. « Les soldats ougandais tuaient, violaient et pillaient », se souvient ce jardinier. Vingt ans plus tard, les militaires sont de retour, mais Didier n’en a croisé aucun dans les rues de sa ville natale de la province du Nord-Kivu. Tout juste a-t-il aperçu quelques uniformes ougandais dans les villages environnants.

Pourtant, les Forces de défense du peuple ougandais (UPDF) ne se cachent pas. Si les autorités de Kampala n’ont jamais communiqué officiellement sur le nombre d’hommes qu’elles ont déployé en RDC, ils étaient près de 1 700 au début de l’opération, selon l’agence de presse Reuters. Entrés, cette fois, avec l’accord des autorités de Kinshasa et un objectif affiché : combattre, aux côtés des militaires congolais, les Forces démocratiques alliées, plus connues sous le sigle anglais ADF. Une opération conjointe baptisée « Shujaa » (« héros » en swahili, l’une des langues régionales) qui peine encore à porter ses fruits.
« C’est du cinéma ! »
L’offensive, lancée le 30 novembre 2021, s’est traduite pendant plusieurs semaines par des bombardements de l’aviation et de l’artillerie ougandaise sur des zones présentées comme des bastions des ADF dans le Nord-Kivu et l’Ituri. Le 24 décembre, le capitaine Antony Mualushayi, porte-parole de l’armée congolaise, a notamment annoncé la prise du camp « Kambi ya Jua 2, deuxième grand sanctuaire des ADF après Kambi ya Jua 1 », dans le territoire de Beni.
Deux leaders du groupe armé ont également été arrêtés. Benjamin Kisokeranio a été capturé mi-janvier par les forces de sécurité congolaises à la frontière avec le Burundi, à environ 700 km au sud de la zone où opèrent les deux armées. Ce responsable du renseignement, des finances et de l’approvisionnement des ADF dirigeait une faction dissidente depuis 2019, selon le Groupe d’experts des Nations unies dans un rapport de 2021. Deux semaines plus tard, un autre rebelle, le Kényan Salim Muhammad Rashid, suspecté de terrorisme et recherché par son pays d’origine, a été appréhendé dans la région de Beni.
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Par Coralie Pierret (Bukavu, RDC, correspondance) et Lucie Mouillaud (Kampala, correspondance) sur https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/03/14/dans-l-est-de-la-rdc-trois-mois-d-operations-conjointes-avec-l-ouganda-et-de-maigres-resultats_6117488_3212.html