Camouflet à Lilongwe : La diplomatie congolaise en berne !

Les milieux diplomatiques de la région australe de l’Afrique sont unanimes. Faustin Mukela Luanga est le candidat idéal qui a les capacités intellectuelles et techniques pour animer soit la ZLECAF soit la SADC, deux organisations qui viennent tour à tour de lui préférer des candidats moins méritants que lui. Une chose est certaine, le surdoué RDCongolais aurait pu apporter un plus à la SADC, cette organisation sous régionale à laquelle nous appartenons et qui est toujours à nos cotés chaque fois que notre pays traverse une zone de turbulences comme c’est le cas pour le moment.
L’Afrique du Sud en tête, tous les Chefs d’Etat de la nation arc-en-ciel ont apporté une pierre à la construction de la démocratie en République Démocratique du Congo. Nelson Mandela dans le bateau Outeniqua, a obtenu une réconciliation, bien qu’éphémère entre le Maréchal Mobutu Sese Seko et Mzee Laurent Désiré Kabila qui a permis une entrée en douceur des troupes de l’AFDL dans Kinshasa sans effusion de sang.
Thabo Mbeki, un des parrains de l’Accord Global et Inclusif de Sun City, nous a reçus dans cette merveilleuse station balnéaire et Parc d’attraction par excellence pour que nous puissions joindre l’utile à l’agréable et le résultat a été phénoménal : l’Accord Global et inclusif avec comme corollaires, la réunification « de facto » du pays, le système 1+4 et la rédaction de la Constitution qui nous régit dans l’esprit et la lettre des négociations qui ont permis aux fils et aux filles de la RD Congo de se réconcilier.
Son successeur Jacob Zuma n’a pas hésité à endosser et pousser l’idée de la création d’une brigade africaine au sein de la Monusco, avec des troupes combattantes qui ont soutenu les FARDC dans leur campagne contre le M23, énième tentative de mettre notre pays à genoux et consommer ainsi sa balkanisation ou sa mise sous tutelle d’un pays voisin.
Cyril Ramaphosa n’a pas dérogé à la règle. Alors que l’Union Africaine, l’Union Européenne et les grandes puissances hésitaient à reconnaître Félix Tshisekedi comme Président élu de la RD Congo, le Chef de l’Etat sud africain a sorti un communiqué au lendemain de la confirmation des résultats par la Cour Constitutionnelle comme quoi le peuple congolais venait de s’exprimer par la voie des urnes et que Felix Tshisekedi était le nouveau Président élu de la RD Congo. Certaines organisations et grandes puissances ont attendu jusqu’à 72 heures avant de reconnaître l’élection de Félix Tshisekedi.
Faut il aussi rappeler le rôle joué par le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie qui ont envoyé des troupes au secours de notre pays en 1998, occasionnant ainsi des pertes en vies humaines des soldats de ces pays qui ont versé leur sang pour que notre pays retrouve son unité, condition « sine qua non » pour son développement harmonieux.
Fort de ces succès diplomatiques obtenus par son prédécesseur Joseph Kabila, il était donc légitime que le Président Tshisekedi ambitionne que cette organisation soit dirigée par un congolais, pour rendre à la région la monnaie de sa pièce.
Mais seulement voilà, là où il y avait une bonne intention, il manquait la méthode. Et une diplomatie sans méthode conduit toujours à l’échec. Et c’est exactement ce qui vient de nous arriver.
Au lieu d’une diplomatie de charme, de lobbying et de conviction avec des arguments massus, le Président Tshisekedi, comme à ses habitudes, a choisi la diplomatie de défi et de forcing. C’est ainsi qu’il engage un bras de fer au sommet contre le Président du Botswana Mokgweetsi Masisi qui lui, avec élégance a fait le déplacement de Kinshasa à la recherche d’un consensus sur la question. Le botswanais tente de persuader son homologue congolais de retirer la candidature de Faustin Luanga, arguments à l’appui, et pas des moindres :
- primo, la RDC est un mauvais contributeur au budget de la SADC. Notre pays est en retard de cotisations de l’ordre de trois millions de dollars. Les Botswanais eux sont en règle ;
- secundo, la RDC n’a pas d’Ambassade à Gaborone, haut lieu de la diplomatie multilatérale de la région, comme c’est le cas à Addis Abeba pour l’Union Africaine, de New York pour les Nations Unies ou de Bruxelles pour l’Union Européenne ;
- tertio, le Protocole de défense mutuelle de la communauté n’a toujours pas été ratifié par le Parlement congolais. Ce qui rend difficile, voire impossible, l’implication de la sous région dans la lutte contre les ADF au Nord Est de la RDC, groupe terroriste qui a des ramifications jusqu’au Mozambique, ce qui inquiète toute la SADC.
La visite du Président botswanais aurait pu mettre la puce aux oreilles de la multitude d’Ambassadeurs itinérants autour du Président Tshisekedi et du Vice Premier Ministre et Ministre des Affaires Etrangères Christophe Lutundula et corriger ces erreurs. On devrait commencer par être en règle de cotisations à la SADC. Ensuite harmoniser nos relations avec les pays voisins membres de cette organisation à savoir la Tanzanie, la Zambie et l’Angola qui pouvaient bien nous aider dans notre campagne auprès des autres pays membres.
Ce n’est plus un secret, nos relations avec ces trois pays voisins sont en dents de scie. Le VPM Lutundula savait-il que l’absence d’une Ambassade à Gaborone était un point négatif quant aux ambitions du Chef de l’Etat sur la région australe de l’Afrique ? Il aurait pu par exemple fermer deux Ambassades superflues de l’Afrique de l’Ouest (Mauritanie, Benin, Libéria) pour en ouvrir utilement une à Gaborone, plaque tournante de la diplomatie en Afrique australe. On enverrai ainsi un signal fort de notre sérieux pour un engagement définitif en Afrique australe.
De tout ce qui précède, on peut conclure que le Président Tshisekedi, comme à ses habitudes, a tenté d’imposer Faustin Luanga Mukela au Secrétariat Exécutif de la SADC. La gifle du cas du Gabon au Conseil de Sécurité de l’ONU ne lui a rien appris. Or la diplomatie est tout un art dans lequel les rapports de force ont prépondérance sur toutes autres considérations.
Le pouvoir en place a tenté un coup de force. Les partenaires lui font rabattre le caquet. La SADC est portée sur les principes. On ne revendique que lorsqu’on est en règle avec les textes légaux et administratifs.
Quand on n’est pas en règle, on n’impose pas, on ne s’impose pas. On négocie.

Barnabé KIKAYA Bin Karubi
Ancien Ministre, Ancien Ambassadeur, Ancien Député, Professeur à l’Université de KINSHASA, Faculté des Lettres, Département des Sciences de l’Information et de la Communication, Kinshasa, R.D. Congo.
www.kikayabinkarubi.net | Twitter: @kikayabinkarubi
Barnabe Kikaya aurait-il mentis ?
En sa 72eme page, mise en œuvre du cadre de gestion financière ; le rapport annuel (19/20) de la SADC renseigne que :
Les États membres accusaient des arriérés de paiement annuels de 7 876 433 dollars en date du 31 mars 2020.
La RDC à elle seule aurait cumuler près de la moitié de ces arriérés ?
https://twitter.com/henrymayala/status/1429671360574468100?s=21
https://www.sadc.int/files/6616/2486/2801/Annual_Report_2019_-_2020_FR.pdf
Nous continuons de lire / creuser …
Très belle analyse cher Professeur, l’actuel Chef de l’Etat congolais devrait normalement s’entourer des personnes compétentes et appropriées et non des camarades de son parti et des alliés politiques. Au final, c’est le pays qui perd…
En effet. Les congolais sont absents dans les organisations internationales et s’ils y sont, c’est souvent dans des postes subalternes et rarement dans des postes de commandement ou de direction. Faustin Luanga à l’OMC comme l’indique son curriculum vitae était une exception qui confirme la règle.
Très édifiant. Une autre faiblesse majeure qui peut se rapporter aux autres organisations sous régionales est l’absence des cadres congolais dans les structures qui les composent en tant qu’experts ou agents de carrière.
Une bonne analyse. Il aurait ete mieux de la partager avant pour que la RDC puisse recadrer son plaidoyer.
C est la RDC qui perd au final
C’est vraiment dommage pour le Pays. Ces informations m’ont coupé l’appétit.
Qu’en est-il de la fameuse “diplomatie agissante”?
Lisez l’article vous verrez comment cette diplomatie a sauvé le Congo en étant très agressive dans la région, depuis Mandela jusqu’à Cyrille Ramaphosa. L’intervention militaire de la SADC, l’accord global et inclusif, l’ancêtre de la constitution qui a finalement permis au pays d’organiser 3 cycles électoraux et une passation des pouvoirs pacifique pour la première fois de son histoire…tout est dans l’article et je me réalise que vous n’avez pas lu, ou si vous avez lu, vous n’avez rien compris.
Bonjour Professeur !
[…] Mais sauf votre respect, cet argument de dire que la passation pacifique des pouvoirs politiques au Congo , entre Son Excellence Le President sortant Monsieur Kabila et Le Nouveau, Son Excellence Monsieur Le President Tshilombo Antoine, est un fait politique historique dans l’espace politique de l’Afrique ne vaut, ni de plus ni de moins, qu’un manque de profondeur et de sagacite dans votre appreciation des choses; -Ou alors c’est de la mauvaise foi: cette passation “pacifique” est une couronne d’epines qui continuent a nous blesser: qu’on nous revele le contenu des Accords secrets signes a l’oppose des interets des Congolais !
N’est-ce pas la un proverbe camerounais:” Meme si tu ne l’aimes pas, il faut savoir reconnaitre que l’antilope est un animal qui sait courier.” -L’Ancien President Joseph est un artisan artiste politicien, ruse et bien poli, qui vous a roule.
Et voilà que vous êtes en plein dans la théorie du complot bien cher Frank. Avez vous des preuves que des accords ont été signés, accords qui iraient à l’encontre des intérêts des congolais? Ce que je peux vous dire avec certitude est que la tension était à son comble à Kinshasa en Décembre 2018 et le décors pour une déflagration était planté. Le mérite du Président Kabila est celui d’avoir accepté “sportivement”, si j’ose dire, la défaite de son dauphin Emmanuel Ramazani Shadary et laisser le vainqueur du scrutin, en l’occurence le Président Tshisekedi prendre le pouvoir. Savez vous que de l’Etat Indépendant du Congo du Roi Léopold au Congo Belge, les mains des congolais ont été coupées, du Congo Belge au Congo Indépendant, ily a eu le massacre de la place YMCA à Kasavubu et des troubles qui ont culminé jusqu’à l’assassinat du Premier Ministre élu Patrice Emery Lumumba, suivi par des secessions, des rebellions et des troubles de toutes sorte qui ont poussé le Lieutenant Colonel Mobutu à prendre le pouvoir par un coup d’Etat le 24 Novembre 1965? Pendaisons au Pont Gaby là où est érigé le stade des martyrs, suivi d’une dictature de 32 ans. En 1996, Mzee déclenche la guerre qui renverse le régime du Maréchal Mobutu avec sa cohorte de morts. Mzee part aussi dans le sang, assassiné dans son bureau de travail. C’est alors que le Président Joseph Kabila Kabange décide de mettre fin à cette malédiction de passage des pouvoirs dans le sang et y parvient en Janvier 2019. Relisez l’histoire politique récente de votre pays et vous fairez oeuvre utile.
La lecture de ces passages litterairement tres bien articules, avec toutes les fulgurances des semantismes mis a notre portee, me place ecartele entre la priorite de materner le sentiment patriotique et la demonstration eloquente de la rationalite amarree dans le dispositif argumentaire de la partie, je dis de Son Excellence Monsieur Le President MASISI botwanais.
Me permettre de faire un aveu choquant: “La Republique Democratique du Congo d’aujourd’hui en est encore reduite a reapprendre et a memoriser l’alphabet classique de la gestion des rapports internationaux qui regissent le monde moderne. L’art et la science des Relations Internationales ne sont pas ‘leve-toi et marche de Jesus’, il faut y apporter beaucoup de soin et d’attention.”
Et pourtant ce ne sont pas des intelligences en la matière qui manquent au pays. Il suffit de les utiliser à bon escient.