Union Sacrée : les Congolais face à un miroir aux alouettes

« Pierre qui roule n’amasse pas mousse ». En 1859 dans un article intitulé ‘’Pierre qui roule’’ qui paraît dans la revue hebdomadaire universelle ‘’La Semaine des familles’’, Félix-Henri peint la sagesse d’une mère à son enfant à qui elle inculque les valeurs de patience, de constance et de sérénité dans la recherche du bonheur. Depuis lors, l’adage est entré dans la sagesse des humains pour prévenir que ce n’est pas en volant d’un métier ou d’un pays à un autre que l’on parviendrait à réaliser ses rêves.
150 ans plus tard, en l’an 2000 plus précisément, l’Association de solidarité Loiret Algérie publie les lettres d’Algérie : « Nous allons sauter les barrières ». Un éveil de conscience, en fait, pour prévenir aux Algériens de savoir agir, sauter le pas désormais pour obtenir ce qui leur revient de droit. Surtout sortir des lamentations stériles.
Entre Félix-Henri en 1859 et les lettres d’Algérie de 2000, les Congolais, eux, se trouvent au beau milieu d’une expérience inédite de hold-up politique sur la volonté du peuple.Deux années après avoir exprimé leur volonté à travers les urnes, en effet, les Congolais se voient embarquer dans ce qui n’est pas moins un putsch de palais visant l’accaparement de tous les pouvoirs par une seule force politique. La dynamique dite de l’Union sacrée ne saurait se décliner autrement que par cette forme de renversement de majorité en dehors des normes démocratiquement requises suivant des stratagèmes supposés traduire la volonté du peuple.
Les consultations organisées dans l’objectif tout aussi supposé de collecter la volonté du peuple sur les ajustements éventuels de la gouvernance du pays figurent au cœur même de ce stratagème. Pour y parvenir, il a fallu entretenir pendant longtemps une thématique virtuelle progressivement présentée comme le rejet de l’ordre institutionnel issu des urnes. La cocotte minute fut alors poussée à bout pendant que la machine de diabolisation travaillait sur le discrédit de la coalition et de son acteur majeur qu’était le FCC et sa large majorité aux niveaux national et provincial.
Même si, malgré les multiples demandes, personne n’a su faire la démonstration du blocage dont le chef de l’État faisait l’objet dans l’accomplissement de sa vision, le choix était clair : sortir de la coalition et se débarrasser d’une majorité qui contrariait les objectifs de pouvoirs que les urnes n’ont pas pu procurer. À vrai dire, malgré la satisfaction de façade – et c’est ici qu’il faut chercher l’hypocrisie qui a miné la coalition –que procurait la coalition à l’aile CACH qui avait pu en tirer quelques maroquins pendant les deux ans de ménage, la « tshisekedie » se trouvait bien à l’étroit. Difficile, en effet, d’assouvir des ambitions, de déployer sa propre vision ou encore de tenir toutes les promesses quand on n’a pas le contrôle exclusif d’une majorité.
Les petites avancées de conquête des parcelles du pouvoir à certains niveaux devaient culminer avec le grand assaut sur le cœur même, le symbole de la majorité qu’est le Parlement. C’est là que se situe aujourd’hui le cuirassé de l’Union sacrée dans sa croisade.
Mais pour quel avenir ? C’est la plus grande question qui, chaque jour, ne cesse de plus en plus d’ouvrir les yeux des Congolais sur un vaste champ de désenchantement. Un miroir aux alouettes, en fait, qu’est en train de s’avérer cette « Union sacrée-attrape tout ». Autant personne ne s’est vu laisser le temps de comprendre ce qui se passait après le déclenchement de la machine sous une forte émotion, autant l’acharnement à forcer la nature tend à semer une confusion stratégique pour réussir le passage souhaité. Fût-il en force comme les Congolais y sont déjà habitués…
En effet, dans son bref parcours d’une trépidance suspecte, l’Union sacrée rejoint cette fameuse pierre qui, aux yeux des Congolais encore lucides, roule mais n’amasse pas mousse. Un conglomérat de chasseurs de primes, de courtisans et autres caïds de la politique. Bref, une engeance de ces politiques typiquement congolais de qui ne sortira aucun bonheur du peuple congolais.
Autant la « tshisekedie » initiatrice de cette machination a roulé sa bosse d’alliances en coalition pour finir par hypothéquer toute forme de crédibilité, autant les combinards de tous bords ne sont nullement porteurs d’un bonheur autre que le leur propre, autant, enfin, les Congolais sont en train de se rendre à l’évidence de la vacuité de ce concept de l’Union sacrée. La valse des adhésions et le comportement des sociétaires n’apportent rien qui puisse rassurer d’une réelle intention pour le peuple et à son profit. Sinon, pourquoi les ministres CACH continuent-ils à siéger au sein d’un gouvernement dont le Chef de l’État, nouvelle autorité morale de la nouvelle majorité encore putative, ne veut plus ? Pourquoi les autres ministres désormais ex-FCC ne font-ils pas autant, surtout que certains demandent déjà au Premier ministre de démissionner ?
Entre la politique de la « bouc-émissairisation » et la stratégie de la diabolisation pour créer des espaces à son avantage, il reste la réalité sociale et sociologique qui survit à toute sorte de manipulation. Les Congolais ont, durant ces deux dernières décennies, acquis une perspicacité politique que ne sauraient dribbler les épiphénomènes des réseaux sociaux et des causeries morales.
Au demeurant, on ne devrait pas s’étonner du « bon » aboutissement de la croisade tshisekediste sur ce qui reste des leviers du pouvoir afin d’en parfaire la suprématie. Hier, parlement, gouvernement, armée, police ; aujourd’hui, dans un style emprunté au dictateur Mobutu, les gouverneurs élus des province ont été obligés de faire allégeance au pouvoir tshisekediste à travers un message de soutien préparé par les services tshisekedistes du VPM Intérieur. La détermination est telle que rien ne saura résister à l’impétuosité de la croisade qui use aussi bien de la corruption que des violations des textes et de toute autre forme d’intimidations. Mais il restera que « pierre qui roule n’amasse pas mousse ».
Albert Osako sur http://nouvellerepublique-rdc.net/?p=1077